Lors du CESER du 11 juin, à l’occasion du rapport d’activité, la FSU a attiré l’attention sur les menaces de régression qui pèsent, tant sur la démocratisation de l’accès au supérieur que sur l’orientation scolaire. Deux enjeux  majeurs pour notre région qui affiche son  engagement pour l’élévation du niveau de qualification.

Vous lirez ci-dessous la déclaration de Jean-Marc Cléry au nom de la FSU

L’intervention de la FSU se limitera à la Mission III. Avec un budget de plus de 590 M€ mandatés pour l’année 2017, dont près de 200 M€ en investissement, la Mission Formation est de loin la partie du budget la plus importante pour la Région, par son poids et sans doute aussi par ses enjeux.

La politique en direction des lycées fait l’objet d’une autre intervention portant sur le Schéma directeur immobilier (SDI). On se concentrera donc ici sur deux sujets d’actualité particulièrement préoccupants et que la Région doit considérer avec une grande attention.

Le premier porte sur l’accès à l’enseignement supérieur et au premier cycle universitaire. Alors que le Ministère de l’Éducation diffuse actuellement ses éléments de langage en mode fumigène et que le rectorat se refuse encore à commenter les premiers chiffres dont il dispose sur les résultats de la procédure ParcourSup’, la FSU pour sa part a dressé un premier bilan vendredi dernier.

Actuellement en Bretagne sur les 33 000 lycéens qui ont émis des vœux sur ParcourSup’, 8 000, soit un quart d’entre eux, n’ont encore reçu aucune proposition d’affectation, dont un petit millier qui savent déjà que tous leurs vœux ont été refusés. Sur l’ensemble des lycéens, seul un tiers d’entre eux ont à ce jour validé une proposition sur ParcourSup’. A titre de comparaison, l’an passé avec la procédure APB c’était 80 % des lycéens qui à peu près à même date avaient une affectation à l’ouverture de la phase 1.

On rappellera que la mise en place de ParcourSup’, imposée aux établissement cet hiver – au pas de charge et avant même le vote au printemps de la Loi Relative à l’Orientation et à la réussite des Étudiants (ORE) – visait à provoquer un « choc d’efficacité » pour répondre en premier lieu aux difficultés d’affectation dans les filières dites « en tension » à l’Université. Or, en 2017 cela ne concernait au niveau national que 7 % des futurs étudiants environ et moins de 1 % des candidatures avaient dû être soumises à tirage au sort (précisons qu’il n’y a pas eu de tirage au sort dans l’académie).

Quand ParcoursSup’ laisse les deux tiers des candidats au Bac dans l’incertitude à la veille des épreuves – soit parce qu’ils n’ont pas encore choisi entre des propositions d’affectation qui n’ont pas forcément leur préférence, soit parce qu’ils sont toujours sur listes d’attente – on ne peut pas dire que l’efficacité soit au rendez-vous. Mais le hasard parfois si ! Car confrontées à l’obligation de départager des dossiers ex-aequo, certaines commissions ont dû recourir au tirage au sort plutôt que de devoir départager sur des moyennes à trois décimales derrière la virgule. Ce que le Ministère et le rectorat ne disent pas non plus c’est que faute d’éléments objectifs et de moyennes harmonisées, plusieurs commissions ont pris comme critère la note d’écrit de l’épreuve du Bac de français passée en fin de Première – au risque d’introduire un biais de sélection.

La situation dans l’académie est sûrement loin d’être la pire si l’on en croit les premiers bilans dans les académies d’Ile-de-France. Pour autant, ParcourSup’ aura suscité beaucoup d’anxiété chez les jeunes et dans leurs familles et une débauche d’énergie pour les équipes éducatives, sans empêcher néanmoins que soit écornée la confiance des jeunes.

L’objectif affiché de ParcourSup et de la Loi dite « ORE » était censément d’améliorer l’efficacité de l’affectation dans le supérieur mais aussi de réduire « l’échec à l’Université ». Or, sans compter les difficultés qu’il y aura pour mettre mettre en place, faute de moyens, un réel accompagnement pédagogique pour les étudiants de première années « éloignés des attendus de la formation », ce sont d’ores et déjà près d’un millier de futurs bacheliers qui pourraient potentiellement être affectés par la Commission académique – s’ils prennent l’initiative de la saisir – là où ce sera possible sur des places restées vacantes, c’est-à-dire dans des formations qu’ils n’ont pas choisies. Et ce seront sans aucun doute aussi plusieurs milliers d’autres jeunes parmi les plus de 7 000 encore en attente qui, dans le doute, se seront rabattus en urgence et par sécurité sur des vœux qui n’ont pas leur préférence.

A l’Université comme au lycée, la possibilité de suivre la formation désirée et intégrée par le jeune dans un projet personnel est une composante importante de la motivation conditionnant sa réussite. Or, de ce point de vue, ParcourSup’, renverse totalement la perspective puisque désormais le jeune constate qu’il est d’abord choisi avant qu’il puisse lui-même choisir.

Les effets de ParcourSup’ sont tels qu’on en oublierait presque qu’à son origine comme d’ailleurs pour son prédécesseur Admission Post-Bac (APB), il y a l’idée que l’optimisation technique de l’affectation peut dispenser d’un engagement budgétaire – et donc d’un acte politique – pour répondre aux besoins nés des effets conjugués de la croissance démographique des années 2000 et de la massification de l’accès au supérieur.

Car ce qui est en jeu aujourd’hui c’est de savoir si le pays poursuivra ou au contraire limitera le mouvement de démocratisation de l’accès au supérieur. La FSU aurait aimé que cette interrogation, essentielle pour la Nation comme pour notre région, soit au cœur des débats comme à l’esprit de ceux qui sont intervenus abondamment dans l’espace public pour « commenter » les mobilisations à l’Université, et au premier chef à l’Université de Rennes-2. Force est de constater en tout cas que les ressentiments liés au passé et les calculs politiques, plus ou moins locaux et à plus ou moins courte vue, ne sont pas ce qui rend le plus apte à apprécier la vérité.

Au regard de ce qu’on a pu malheureusement voir dans certaines universités françaises, on devrait plutôt saluer la manière dont l’équipe de la Présidence de Rennes-2, les personnels, et aussi les militants du SNESup-FSU ont su prendre toutes leurs responsabilités quelles qu’aient été les difficultés pour défendre leur conception d’une Université accueillante – elle est d’ailleurs celle qui a ouvert le plus grand nombre de place supplémentaires (+575) – mais aussi une Université capable de mettre en œuvre une politique crédible pour soutenir les étudiants dans leurs parcours de formation.

Le second sujet de préoccupation n’est pas sans rapport avec la question de l’accès au supérieur ; il concerne l’avenir de l’Orientation scolaire et des CIO. Comme chacun sait, dans les débats avec la Région autour de l’élaboration du SPRO, la FSU a toujours défendu l’idée d’une Orientation à deux branches du fait de la spécificité des enjeux de l’orientation pour les jeunes, scolaires et étudiants, dont la personnalité, les capacités et les goûts sont encore largement en construction. C’est pourquoi elle a également toujours fermement rappelé la distinction des compétences respectives de l’État et de la Région dans ce domaine, alors que beaucoup parlaient d’abattre les « cloisonnements ».

Avec le temps le SPROEP était parvenu à intégrer une conception un peu mieux différenciée, sans pour autant s’interdire de travailler collectivement à l’amélioration du service rendu par les différents réseaux-acteurs. Aujourd’hui, la mise en œuvre annoncée de la future loi dite « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel » remet en question cette construction régionale et rebat une fois de plus les cartes par l’annonce du transfert vers les régions de la compétence Information sur les métiers en même temps que le démantèlement de l’ONISEP. Dans le même temps Jean-Michel Blanquer quant à lui fait planer le doute sur l’avenir des CIO, voire des psychologues – PsyEN – du second degré dans l’Éducation nationale.

Le transfert de la compétence Information fait craindre des conséquences dommageables pour les élèves et les étudiants, l’information pouvant être dispensée par des prestataires désignés, dans la mesure où les régions n’ont pas les personnels compétents pour effectuer ces interventions. Ceci pose nombre de questions que ce soit sur la qualité de l’information dispensée, sa validité scientifique, son niveau de généralité, son objectivité, que sur la qualification des personnes qui feront ces interventions et le contrôle des organismes mandatés par les régions, enfin sur la déontologie et l’indépendance des intervenants par rapports à divers groupes de pression.

Quant à la possible fermeture des CIO (17 en Bretagne) et à la mise à disposition de la Région des PsyEN du second degré et des Directeurs des CIO, elle poserait d’autres problèmes tout aussi redoutables. Les CIO sont des lieux d’accueil ouverts toute l’année, implantés au cœur des territoires où toute personne peut bénéficier d’un accueil gratuit et où la confidentialité des entretiens est garantie. C’est l’existence de ces lieux spécifiques et uniques en leur genre, qui permet aux personnels des CIO de se tenir à distance de toute prescription au local venue d’un lycée ou d’un collège, tout autant que des orientations d’une collectivité locale en matière d’emploi et d’insertion.

Cette indépendance les PSYEN et les DCIO de la FSU la défendent farouchement car elle est constitutive de leur éthique professionnelle et de la manière dont ils exercent leurs missions dans l’intérêt de tous.

Le 14 mai avec les organisations syndicales FSU, FO, Sud et SE-UNSA, les personnels se sont rendus à la Région pour rencontrer la Vice-Présidente en charge de la Formation, de l’apprentissage et de l’orientation, afin de lui faire part de leurs inquiétudes et de leurs attentes. Aujourd’hui 11 juin, premier jour de l’examen en séance publique du Projet de loi à l’Assemblée, les personnels se sont à nouveau donnés rendez-vous, cette fois devant le rectorat, pour manifester toute leur détermination.