La session du CESER du 8 octobre a donné lieu à l’examen du Rapport d’Activité de l’Etat en Région pour la Bretagne. En présence du Préfet de région, la FSU s’est livrée à une analyse détaillée de tout ce que le document présenté, particulièrement édulcoré, passe allègrement sous silence.
Vous lirez ci-dessous la déclaration de la FSU au CESER
Intervention de Jean-Marc CLERY – FSU
Le CESER a raison de demander si le processus de dématérialisation du Rapport d’Activité de l’État n’était pas cette fois allé ‘’un peu trop loin’’. Car ce n’est pas seulement le support, c’est aussi le contenu du Rapport qui semble s’être dématérialisé – données erratiques et dont les critères de choix échappent, absence d’éléments de comparaison, absence de suivi des politiques antérieures, etc.
Pour autant, si édulcoré qu’il soit, ce Rapport porte la marque du tournant de 2017. Un tournant certes, mais pas un virage à 180 degrés, puisque dès avant la Présidence Macron, l’exécutif précédent avait déjà fait le choix d’une ‘’politique de l’offre’’ accommodante pour le capital et la ‘’libre entreprise’’ en même temps qu’il prenait des mesures défavorables aux salarié.es et aux demandeurs d’emploi. En fait de ‘’tournant’’, ce à quoi nous assistons depuis 2017 n’est rien d’autre qu’un nouveau coup d’accélérateur libéral.
Rigueur, austérité, réalisme, courage politique – aujourd’hui les injonctions moralisatrices voire accusatrices ont remplacé le bavardage du candidat Macron sur le réenchantement de la politique par la vertu de sa jeunesse. Sa promesse d’un ‘’nouveau monde’’ a fait long feu ; ne restent plus que les vieux ressorts d’une politique libérale, dure envers les salarié.es, les chômeurs et les retraité.es considéré.es comme privilégié.es, douce envers les plus riches. On l’aurait presque déjà oublié mais rien qu’en 2017 se sont succédé, outre les Ordonnances Travail, l’exonération des fortunes financières par la transformation de l’ISF, la ‘’flat tax’’ de 30% sur les revenus du capital, la baisse de l’Impôt sur les Sociétés et la transformation du CICE en baisse de cotisations sociales patronales, l’annonce de l’augmentation de la CSG, le regel du point d’indice pour les fonctionnaires, la suppression de 150 000 emplois aidés, la baisse des APL,…
Difficile malheureusement de ne pas paraître fastidieux si l’on veut entrer plus en détail dans les orientations de l’action de l’État telles qu’on les trouve – ou pas – au fil de ce Rapport d’Activité davantage conçu pour la communication que pour l’analyse. Que l’on nous pardonne de nous arrêter malgré tout sur quelques aspects.
Un mot tout d’abord sur le CPRDFOP que, pour sa part, la FSU n’a pas signé en juillet 2017, mais sur lequel elle a produit de nombreuses analyses critiques durant toute la phase d’élaboration. Arrêtons-nous sur le volet ‘’Politique de soutien à l’apprentissage’’ auquel nous nous sommes fortement opposés. Depuis des années, la Région Bretagne n’a eu de cesse, dans le cadre de sa compétence en matière de formation professionnelle, de surenchérir avec l’État et le patronat pour renforcer l’apprentissage. Jusqu’à récemment elle pensait même pouvoir renforcer sa compétence en matière de coordination de l’apprentissage par une compétence supplémentaire en matière d’Orientation. Mais au terme des arbitrages issus de la Loi « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel », bien difficile de dire s’il sera possible de maintenir une régulation régionale, et face aux projets de l’Etat (Éducation nationale en tête) et des branches, la Région se retrouve sur le bord de la route. Peut-être va-t-elle changer quelque peu de point de vue sur la formation professionnelle et se faire entendre aussi sur les besoins de la Voie professionnelle dans les LP publics quitte à s’opposer aux inquiétants projets du Ministère ?
En ce qui concerne la politique éducative justement, ce Rapport 2017 affiche une sorte de transition en douceur entre les restes de la politique d’Éducation prioritaire de Vincent Peillon et ‘’devoirs faits’’ ou les ‘’CP à 12’’, mesures que Jean-Michel Blanquer veut emblématiques du ‘’retour à l’école de la confiance’’. On oublie toutefois de préciser que l’essentiel des 2 200 classes de CP dédoublées en Rep+ au niveau national l’ont été par redéploiement des postes créés par Najat Vallaud-Belkacem, dont 1 300 postes de Maîtres-plus, et aussi en fermant des écoles rurales.
Le Rapport oublie aussi que 2017 a vu le retour d’1/3 des écoles à la semaine des 4 jours de Xavier Darcos à la faveur de la ‘’liberté’’ laissée aux communes par le nouveau ministre – décision qui a conduit à l’enterrement de fait des ‘’nouveaux rythmes scolaires’’ et à des pertes d’emplois importantes dans le secteur de l’animation jeunesse. Enfin, 2017 a vu simultanément l’assouplissement par Jean-Michel Blanquer de la réforme du Collège et la mise en place au pas de charge, dès novembre 2017, de la procédure ParcourSup avec les premiers jalons de la réforme du lycée et une nouvelle remise en question de l’Orientation scolaire. Le point commun à toutes ces décisions apparemment forts éloignées est le choix du renvoi au local et l’affaiblissement du cadre national.
Quant à l’objectif budgétaire, il n’est jamais bien loin. Avec 1,3Mds€ de plus pour 2018, le premier Budget Blanquer marquait déjà un net recul par rapport aux 3Mds€ supplémentaires obtenus par sa prédécesseure. Avec moins de 800 M€ de rallonge, celui de 2019 sera encore plus en retrait. Les postes non pourvus aux concours en 2017, puis leur forte réduction en 2018, et surtout les suppressions prévues dans le Second degré à la faveur de la réforme du lycée et de la voie professionnelle en sont la traduction.
Dans l’académie de Rennes, ces orientations que viennent renforcer les choix du rectorat et de certaines collectivités locales affaiblissent le Service public d’Éducation. Ainsi en va-t-il de la scolarisation précoce des enfants de moins de 3 ans : le Rapport 2017 se félicite d’un taux de scolarisation dans le public double du taux national (32 % contre 18%) et autour des 50 % en Education prioritaire ; mais c’est oublier qu’avant 2008 ce taux était à plus de 65% pour les écoles maternelles publiques. Contraint par des orientations défavorables, le niveau pré-élémentaire public fait les frais de la baisse marquée des effectifs depuis 2016 et est globalement en recul face à un réseau privé confessionnel conquérant.
Dans le Second degré public malgré un relatif rattrapage entre 2013 et 2017, la Bretagne reste sous-dotée face à la dynamique démographique : depuis 2008 15 000 jeunes supplémentaires ont été accueilli.es dans les lycées et collèges pour seulement 390 emplois créés sur la même période. Or c’est au moins 600 emplois de plus qu’il aurait fallu simplement pour maintenir les taux d’encadrement de 2008. A ce manque chronique de postes, s’ajoute l’insuffisance des capacités matérielles d’accueil dans de nombreux établissements, notamment les lycées du secteur de Rennes, mais aussi depuis deux ans des décisions de fermetures de collèges publics dont plusieurs en zone d’éducation prioritaire au mépris du principe de mixité sociale. Difficile pour les breton.nes attaché.es à leur Ecole publique de croire encore encore en la parole de l’État.
On aurait voulu s’arrêter également sur le secteur de l’animation qui n’a pas seulement eu à subir les effets des changements à l’Ecole et qui est frappé de plein fouet par les vagues successives de réduction des contrats aidés. Le rapport du Réseau Recherche et Solidarité en a montré le fort impact sur l’emploi associatif en 2017. Il faudrait également exposer en détail un exemple dramatique de la distance qu’il y a entre la volonté affichée de l’État d’agir pour la protection des femmes contre le harcèlement et l’annonce faite en mai 2017 de la fermeture à Lorient d’un lieu d’accueil pour les femmes victimes de violence faute d’une subvention de 40 000€, privant ainsi les 4/5èmes de la population du département du Morbihan d’une ressource de proximité.
Mais il est grand temps de conclure sur le sens des politiques menées actuellement. Pour l’exécutif désormais, quoi qu’il en coûte au corps social, il s’agit de tout mettre en œuvre pour satisfaire au dogme de la réduction de la dépense publique. Convaincu que la puissance publique n’est jamais aussi agissante que lorsqu’elle se retire, il place toute sa foi dans les acteurs du marché, et fait dépendre l’équilibre budgétaire – ‘’structurel’’, donc, par définition, hors des aléas de la conjoncture – de la croissance économique – autrement dit un équilibre variable en fonction des… variations. Absurde.
Aller plus loin dans l’objectif de réduction des déficits publics lorsqu’on a à ce point asséché la ressource fiscale (-38 % en volume de recettes fiscales en 2018 du seul fait des mesures favorables au capital alors que la fiscalité pour les ménages ordinaires a augmenté) nécessite d’user d’autres expédients : par exemple imposer autoritairement aux collectivités (déjà ponctionnées de 13Mds € en 5 ans) une réduction de leurs dépenses de fonctionnement de façon à peser sur l’emploi public local ; ou bien faire les poches de la protection sociale – assurance maladie et assurance chômage ; ou encore donner un nouveau tour de vis pour réduire le périmètre de la Fonction publique.
Sur ce dernier point, le gouvernement a attendu l’été pour sortir du bois. Deux circulaires, l’une consacrée aux services d’administration centrale, l’autre lançant la nième ‘’réorganisation’’ des services déconcentrés de l’État, ont paru en juillet, avec à la clef l’annonce par le Premier ministre d’un objectif de réduction massive de postes dans la Fonction publique (4 500 suppressions en 2019 et 10 000 en 2020). Selon la méthode qui a aujourd’hui cours, le délai entre l’annonce et l’exécution est des plus brefs et les Préfets ont été invités à faire remonter leurs propositions dès avant la mi-octobre. Les personnels des services de l’État en région n’ont pas été consultés, seulement informés, et tout au plus sont-ils conviés à faire part de propositions pour autant qu’elles ne contrarient pas trop la mise en œuvre de la feuille de route.
Beaucoup attendent avec inquiétude ces décisions – notamment les personnels Jeunesse et Sports dont la circulaire de juillet a positionné des missions « à alléger » voire « à supprimer ». Beaucoup seront aussi en grève et dans la rue demain, mardi 9 octobre pour dire leur colère, pour défendre d’autres choix politiques et un autre modèle social.