Troisième grande contribution du CESER pour le futur SRADDET, le rapport présenté au plénier du CESER fait apparaître des orientations pertinentes en matière sociale et environnementale.

Mais quelles seront les réponses effectives à cet appel à transformer les modes de production pour répondre aux défis actuels et à venir ?

N’en doutons pas, au-delà des recommandations positives de ce rapport, la rédaction du SRADDET quant à elle sera le résultat d’un rapport de forces où les tenants de modes de production les plus destructeurs pèseront très fortement pour que rien ne change !

Vous lirez ci-dessous le texte de l’intervention de la FSU au CESER sur ce dossier


Intervention de Jean-Marc CLERY – FSU

Bien qu’il s’inscrive dans la continuité des contributions antérieures du CESER, ce nouveau rapport sur le futur SRADDET marque une étape importante, et la FSU mesure l’ampleur du travail accompli pour parvenir à la convergence d’approches dont ce document est le témoin. Elle salue la force de conviction de son rapporteur général, notre camarade Stéphane Créac’h, qui œuvre sans relâche depuis des mois afin que les dimensions sociales et environnementales soient au cœur des contributions du CESER au futur SRADDET et que celles-ci entraînent l’engagement de tous les acteurs.

La FSU apprécie en particulier la place accordée dans la Priorité 1 à la notion de « qualité de vie » et à l’impératif d’égal accès aux « biens communs » qui en est la condition. Ce n’est certes pas encore le Buen Vivir ou le Suma Qamaňa – « cadeau conceptuel de l’Amérique andine offert au monde » selon les mots de Paul Ariès – mais la large extension qui est donnée ici à la notion de qualité de vie est à saluer. Elle affirme clairement que le champ des richesses excède largement celui de la « valeur » au sens économique du terme, et que l’un ne saurait se confondre avec l’autre en dépit de l’insatiable tendance du marché à « faire marché » de tout.

On regrettera de ce point de vue que le texte ne maintienne pas toujours une si claire distinction : ainsi par exemple lorsqu’il désigne un peu imprudemment les biens sociaux ou naturels comme des « capitaux » à maintenir et développer. On comprend bien qu’il s’agit de se faire entendre des tenants du marché les plus farouches. Mais même avec force guillemets, une telle expression pose un problème sérieux. En effet, elle laisse à penser que ces biens fondamentaux ne pourraient constituer des richesses dignes d’intérêt que pour autant qu’ils seraient intégrés dans le processus économique de production de valeur – c’est-à-dire consacrés par le marché comme porteurs potentiels de rentabilité. Alors que, tout au contraire, l’enjeu doit être, selon nous, de les maintenir à l’abri des logiques de prédation de la nature et d’exploitation de l’humain.

Quelques autres autres exemples de flou sémantique ou conceptuel nous embarrassent aussi un peu ; ainsi s’agissant de la transformation numérique et du développement des data, il est fait mention à leur propos d’une « nouvelle matière première dans le processus de création de la valeur ». Assertion là aussi un peu hâtive empruntée aux théoriciens du « capitalisme cognitif » et qui laisse à penser qu’à côté de la valeur issue du travail productif et des matières premières, un nouveau mode de constitution de la valeur serait en train d’émerger aujourd’hui dans une « nouvelle économie » dite collaborative porteuse de perspectives nouvelles.
Pourtant, sitôt tombé le faux-nez de cette « nouveauté », on ne voit à l’œuvre qu’une bien vieille économie de prédation, où des monopoles s’assurent une rente de situation en imposant un droit de propriété sur toute chose, et où, derrière les « Discours de la méthode disruptive », se cachent en réalité les plus vieilles formes d’exploitation du travail et de pillage des ressources de la nature.

Ces deux exemples renvoient selon nous à une dualité dans l’idée même de transition qui constitue le fil directeur de ce rapport. Il semble en effet qu’à plusieurs reprises la polysémie du terme de transition serve à minimiser les antagonismes qu’on vient d’évoquer.

En un premier sens la transition désigne ce qu’il conviendrait de réaliser pour répondre aux attentes de la société d’un futur réellement désirable – en ce sens, comme le dit très justement le texte, la transition implique « la redéfinition des objectifs mêmes du développement ».

Mais à d’autres moments cependant, le texte entend l’idée de transition plutôt comme un mouvement d’auto-dépassement qui aurait été amorcé par les modes de production actuels, et qui les porterait à évoluer d’eux-mêmes, insensiblement et comme naturellement, vers une conscience toujours plus claire des enjeux en matière sociale et environnementale.

Or au vu des crises de ces dernières années, et surtout face à celles qui s’annoncent en matière climatique et environnementale ou encore de santé publique, on ne peut qu’avoir de sérieux doutes quant aux capacités d’auto-dépassement des logiques productives actuelles. L’usage qui est fait ici du terme de transition comme de celui de développement devra donc nécessairement être réinterrogé car la façon de les entendre reste source d’ambiguïtés.

La volonté d’entraîner l’adhésion la plus large débouche aujourd’hui sur ce texte qui est le reflet d’un compromis entre les acteurs de la société à un moment donné. On peut en être satisfait, sans pour autant que cela occulte la réalité des intérêts contradictoires qui demeure, ni surtout l’urgence grandissante de trancher entre eux.