La FSU se retrouve dans le message principal de l’avis qui nous est proposé même si elle ne partage pas la totalité des formulations. Le document indique bien qu’il ne s’agit pas d’une crise ordinaire mais de profondes mutations.

La récession s’approfondit et ses effets sociaux vont douloureusement s’aggraver dans les mois qui viennent. Décrire la déclinaison bretonne de la crise est certes indispensable mais, pour éclairer les choix politiques, elle ne suffira pas à faire comprendre les enjeux si au préalable on ne produit pas une analyse de cette crise.

Le déclenchement de la crise financière et ses premiers enchaînements sont identifiés. La crise des subprime a généré des pertes colossales dans les établissements financiers ayant acquis des produits issus de vagues successives de titrisation des prêts immobiliers hypothécaires des Etats-Unis. Face à ces pertes les « investisseurs » ont vendu d’autres tires (actions/obligations) générant un effondrement des cours boursiers. Les banques sont alors affaiblies par les créances pourries qu’elles possèdent et par la dévalorisation d’autres titres détenues à l’actif de leur bilan et évalués par leur cours sur les marchés. Les banques ne se font plus confiance, elles ne se prêtent plus entre elles, l’argent ne circule plus. Face à cette crise de liquidité, les banques centrales interviennent massivement, dès août 2007, révélant au monde l’ampleur du désastre et amplifiant les mouvements de panique sur les marchés financiers. La restriction, par les banques, des crédits faits aux ménages et aux entreprises va être le premier canal de transmission de la crise financière à l’économie réelle, le second canal étant l’effet de richesse négatif, c’est-à-dire que des ménages voyant leur patrimoine financier ou immobilier se dévaloriser restreignent leur consommation et essaient de reconstituer leur épargne. Nous avons à la fois une réduction de l’offre et de la demande de crédits, on comprend alors qu’après les services financiers et immobiliers, les premiers secteurs touchés par la crise sont ceux qui sont le plus liés aux crédits : l’automobile et le bâtiment. Avec des spécificités, nous percevons, quand même, que la Bretagne n’échappe pas à ces mécanismes. La crise a malheureusement ensuite sa propre dynamique, la contraction de la demande affectant de proche en proche les autres secteurs ; sans oublier la crise utilisée comme alibi par certaines entreprises pour restructurer.

L’enchaînement des faits ne suffit cependant pas à la compréhension profonde de la crise qui est une crise systémique, cette expression a plusieurs sens, le premier est que cette crise ne touche pas qu’une partie mais la totalité du système financier international, ensuite, elle n’est pas que financière mais, aussi, économique, sociale et morale, et, enfin, elle est contemporaine d’autres crises aux temporalités, certes, différentes mais qui font système au sens où l’issue de l’une est impensable sans trouver des issues aux autres, il s’agit des crises écologiques, énergétiques, alimentaires et géopolitiques.

Mais cette crise n’est pas que systémique, elle est, aussi, structurelle car elle touche aux fondements mêmes du capitalisme dans sa phase actuelle : le néolibéralisme. La libéralisation de la finance trouve son origine dans la volonté de la fraction supérieure des classes dirigeantes de supprimer les obstacles à la croissance des revenus du capital, obstacles liés aux régulations publiques et sociales de la période dite de « compromis social » , appelée chez nous « les trente glorieuses ». Nous savons qu’au tournant des années 70-80, l’offensive a été lancée par les politiques monétaristes de R Reagan et de M Tatcher et poursuivie, ensuite, dans l’ensemble du monde développé sous la bannière du mot fétiche de « modernisation ». C’est surtout la désintermédiation qui a favorisé la finance de marché au détriment du financement bancaire classique permettant ainsi la montée en puissance des mastodontes du capitalisme que sont les fonds de pension, les fonds d’investissements, les compagnies d’assurance, les fonds spéculatifs ; chacun sait que ceux-ci, avec les banques à leur tour financiarisées, ont pu prospérer dans leurs activités spéculatives grâce à leurs filiales dans les paradis fiscaux. Mais l’autonomie de la finance est relative, cette inflation financière a une contre partie : la déflation salariale. Cette dernière a été obtenue par la mise en concurrence des travailleurs du monde entier (libre échange débridé), par la dérégulation du marché du travail (flexibilité, précarité, chômage), par la désindexation des salaires par rapport aux prix.

Dans le même temps, le mode de gestion des grandes sociétés s’est modifié avec la stratégie centrée sur « la valeur pour l’actionnaire » : tout faire pour augmenter le cours de l’action et distribuer le maximum de dividendes au point d’ailleurs de voir des sociétés s’endetter pour racheter leurs propres actions. Cet ensemble néolibéral est cohérent, il ne résulte pas d’un processus naturel mais de choix économiques et sociaux parfaitement conscients, il explique, dans nos pays développés, le mode de croissance fondé sur l’endettement généralisé et sur une explosion démentielle des inégalités.

Le débat sur la caractérisation de la crise n’est pas indépendant du débat sur sa durée. Certains évoquent la perspective d’une reprise à l’horizon 2010, pourtant l’hypothèse d’une dépression longue n’est pas moins probable. Plusieurs menaces sont loin d’être écartées. Ainsi les « effets de second tour » risquent de se produire, défaillances et insolvabilité d’entreprises générant de nouvelles pertes bancaires. La grave crise des pays d’Europe centrale ne sera pas sans conséquence sur les pays européens plus à l’ouest, les restrictions des exportations vers ces pays affectent déjà notre région et c’est malheureusement une des raisons qui risque de faire entrer l’agroalimentaire dans la spirale récessive. La menace la plus sérieuse est le danger déflationniste, nous n’y sommes pas encore, on l’évitera peut être mais la rapidité de la désinflation ne peut guère nous rassurer. Une baisse du niveau général des prix serait catastrophique.

Dans l’étude prospective du CESR sur l’avenir de l’industrie, nous avions envisagé comme déclenchement d’une crise financière systémique, un effondrement du dollar. Ce n’est pas ce qui s’est produit mais ce risque est, aujourd’hui, beaucoup plus important qu’au moment de la rédaction de notre étude. Faisant voler en éclats les dogmes du monétarisme, le recours massif de la FED à la « planche à billets » accroît ce risque d’autant que la Chine continue d’accumuler des créances sur les Etats Unis. On assiste à la constitution d’une nouvelle bulle composée de bons du trésor US or toute bulle finit toujours par exploser. Comme le G20 a écarté toute velléité de réforme du système monétaire international, il ne serait pas conséquent d’ignorer la possibilité d’un chaos monétaire même si cette perspective n’est probablement qu’à moyen terme.

Toutes ces considérations pour dire qu’appréhender la crise comme un phénomène conjoncturel, une sorte de mauvais moment à passer, est pour le moins inapproprié.
Puisque les causes de la crise sont identifiées, les réponses à apporter le sont aussi. Il faut prendre le contre-pied des politiques libérales. La déclaration commune des organisations syndicales en a tracé les pistes. Mais une sortie de crise durable supposera, en même temps, une profonde transformation des modes de production et de consommation, c’est un impératif pour s’engager dans une trajectoire sociale, écologique et solidaire. Chacun comprend bien que, malgré son verbe haut et son « plan de relance », Nicolas Sarkozy ne s’inscrit pas dans cette perspective prenant même prétexte de cette crise pour imposer de nouvelles régressions comme le confirme la nouvelle vague de suppressions de 34 000 postes dans la fonction publique.. Mais heureusement, l’idéologie libérale se lézarde, les citoyens comprennent de plus en plus les raisons de cette crise et se rallient à cette idée scandée par les manifestants des 29 janvier, du 19 mars et du 1er mai : « la crise c’est eux, la solution, c’est nous ! ».