Le CESER a examiné aujourd’hui le projet de demande de transfert de compétences à la Région Bretagne en matière « d’accompagnement des publics vers l’emploi ».
Acteurs patronaux et CFDT ont applaudi à une politique « au service des territoires », même si le patronat, pour sa part, a surtout dit attendre des « gestes forts pour améliorer la compétitivité des entreprises » (sic).
La FSU quant à elle s’est attachée à démonter quelques unes des prétendues « évidences » soutenues par l’exécutif régional et par certains « acteurs économiques ».
Vous lirez ci-dessous le texte de l’intervention de la FSU au plénier du CESER du 3 octobre.
Intervention de Jean-Marc CLERY – FSU
La FSU a déjà fait part en mars dernier de ses réserves sur un éventuel transfert de compétences en matière de politique de l’emploi. L’officialisation de cette demande par la Région Bretagne ne nous rassure guère.
En ce qui concerne les objectifs actuels, la demande se veut modeste et pragmatique, s’en tenant prudemment à la seule « coordination des acteurs » de l’accompagnement vers l’emploi. Mais, à terme, quel est le projet politique ? La Région ne pourra pas éternellement voiler ses intentions. Il faudra bien un jour qu’elle explicite la vision qui est la sienne pour l’avenir d’une politique nationale (ou pas) de l’emploi ; et qu’elle ouvre alors le débat.
En ce qui concerne les orientations présentées, celles-ci se résument en un triptyque : « rapprocher les publics » et « abattre les barrières » entre les réseaux ; « mettre en cohérence » orientation formation et emploi à l’échelon local ; et, enfin, « mettre en relation ». La FSU ne surprendra personne en disant qu’elle ne partage pas ces principes portés depuis des lustres par la Région et certains acteurs économiques bretons.
« Rapprocher les publics » : la FSU continue à mettre en garde contre les risques de confusion. Elle défend au contraire la nécessité de distinguer a minima entre publics scolaires d’une part et publics salariés ou en recherche d’emploi. Le texte de la Région admet certes la spécificité de l’orientation des élèves et étudiants, mais il ne cesse d’appeler dans le même temps au « décloisonnement des publics » sur le terrain. Et au passage il embarque une fois de plus les CIO au titre de la « coordination régionale de l’ensemble des actions des organismes participant au service régional de l’orientation » – ce qui, une fois de plus, n’est pas ce que dit la loi du 5 mars 2014.
L’indistinction des publics ne pose pas que des problèmes pour les scolaires. Les adultes en emploi ou en recherche d’emploi, eux non plus, n’ont ni les mêmes parcours ni les mêmes statuts ni les mêmes situations sociales ou attentes. Les confondre et confondre les formes que doivent prendre l’accueil et le conseil aux personnes, est préjudiciable, pour les usagers comme pour les professionnels.
« Territorialiser » : les « besoins locaux » et la gestion locale des emplois et compétences dans les intercommunalités seront bien le pivot de la politique régionale d’accompagnement. Cela au risque d’attacher un peu plus aux territoires les travailleurs les plus fragiles ; travailleurs qui, au passage, trouveront dans les EPCI encore moins d’espaces de représentation et d’expression locale qu’il n’y en avait jusqu’ici.
« Mettre en relation » salariés, offres de formations et offres d’emploi : là est le maître mot du projet présenté. La Région repousse avec véhémence le terme d’adéquationnisme, mais à l’évidence cela y ressemble. Comme si le défaut d’information et de formation aux emplois existants était l’obstacle majeur pour l’accès à l’emploi. On écarte ainsi totalement la question pourtant centrale du volume des emplois existants ou de leur qualité.
La FSU ne conteste pas que l’accompagnement des chômeurs est aujourd’hui mal en point. Les agents de Pôle Emploi, qui subissent au quotidien les effets ravageurs de la mise à mal de leurs métiers, peuvent en attester.
La FSU est aussi bien placée pour savoir que les plus fragiles sont ceux qui bénéficient le moins des formations. Mais la politique de l’emploi ne peut pas pour autant se résumer au rêve d’une « mise en système » et d’hypothétique continuum « orientation-formation-emploi ».
Que la Région s’en tienne à de telles certitudes est une chose, mais que le CESER ne les questionne pas davantage en est une autre. Malgré quelques aménagements, l’avis du CESER est à cet égard toujours d’une timidité confondante ; et il faut vraiment un œil expert pour parvenir à y discerner quelque nuance tant soit peu critique dans son propos.
La FSU ne peut décidément pas s’inscrire dans ce cadre et s’abstiendra donc sur l’avis. Quant au projet de la Région proprement dit, la FSU aura sans doute d’autres occasions de se prononcer.
Au-delà de notre région, la politique de l’emploi menée depuis des années dans le pays arrive aujourd’hui à l’heure des bilans. Et si l’on en croit le récent rapport de France Stratégie sur les effets réels du CICE octroyé aux entreprises, de sérieuses réorientations s’imposent.