Après des mois d’échanges dans le cadre de différents groupes de travail, audiences, « séminaires », le Comité régional de l’Emploi Formation Orientation Professionnels (CREFOP) a présenté aujourd’hui en Comité plénier le « document stratégique » du futur CPRDFOP – le volet programmatique devant, quant à lui, être présenté à l’automne prochain.

La FSU qui avait produit une contribution très étoffée en septembre dernier, a participé activement aux échanges au cours de cet hiver et durant le printemps afin de tenter d’infléchir les orientations du CPRDFOP dans le sens d’une plus grande attention au service public de la formation.
La FSU a surtout tenté de peser pour que la Région corrige le tir par rapport à l’ancien CPRDF qui faisait la part belle à l’apprentissage et à toutes sortes de dispositifs d’orientation et de formation soumettant les publics jeunes et adultes aux desiderata de « l’économie locale » chère au patronat.

Or malgré quelques assurances données par la Région au cours de certains échanges, le texte final qui a été proposé aujourd’hui est bien loin d’améliorer les orientations actuelles de la politique régionale de l’Emploi-formation. La FSU s’est donc prononcée contre le texte – à noter qu’elle a été la seule à le faire et à s’exprimer de manière critique en séance.

Vous lirez ci-dessous l’intervention de la FSU au CREFOP de ce mercredi 17 mai.


La FSU souligne tout d’abord qu’elle n’a pas été associée aux derniers échanges qui ont précédé le texte final qui nous est présenté aujourd’hui. Elle le regrette, car elle aurait pu attirer l’attention sur les aspects les plus problématiques du projet et que nous avons à maintes reprises signalés.

Si les ambitions générales du texte peuvent être partagées comme certaines de ses orientations, la FSU ne se reconnaît guère dans la méthode affichée, ici comme dans les axes des différents chantiers. La FSU a été active au cours des échanges. Elle a fait des propositions et alerté, pas forcément seule, sur des choix pouvant enfermer et limiter l’intérêt du CPRDFOP. Rien de tout cela ne transparaît. Cela traduit le fait que la majeure partie du service public de la formation professionnelle et ses usagers sont absents du texte.

Le maître mot de ce document volumineux et parfois difficile à cerner, semble être l’appel à un « décloisonnement » généralisé. On peut certes partager l’idée d’un besoin de cohérence dans les politiques face à la globalité des défis posés en matière d’emploi et de formation. A cet égard, la FSU remarque que les évolutions démographiques de la Bretagne, spécialement s’agissant de la population d’âge scolaire, auraient mérité davantage qu’une courte mention, car elles requièrent justement une approche globale liant la question de l’offre de formation et celle de la structuration des territoires ; or dans ce document les évolutions de la Carte des formations ne sont que très peu mises en relation avec les besoins importants en termes de capacités d’accueil des établissements publics.

Le document a pour leitmotiv le « dépassement des cloisonnements » de toutes sortes – décloisonnement des publics de l’orientation et des « temps de vie », mais aussi décloisonnement des voies de formation et des « dispositifs », tout confondu, même lorsque la loi précise les choses. Or le plus souvent, le décloisonnement en question ne propose ni partage ni collaborations, mais seulement d’ouvrir toujours plus le champ de la formation professionnelle initiale à l’apprentissage, ou encore de faire tomber les spécificités propres aux établissements publics chargés de l’orientation ou de la formation soupçonnés de se renfermer sur une culture professionnelle exclusive et de cloisonner les publics selon des « statuts ». A ce stade, il n’est plus temps de discuter pour voir s’il s’agit seulement de maladresses de formulations qui auraient été évitables, ou bien si cela traduit la philosophie des partenaires autour de cette table.

S’agissant de la Carte des formations, la FSU juge intéressant le projet de construire un document d’orientation pluriannuel avec un périmètre élargi à la formation continue intégrant dans un même document le Plan Bretagne formation, les actions de formation collectives de Pôle emploi, ou les contrats de professionnalisation. Toutefois, s’agissant de la programmation des ouvertures de formations initiales, la FSU s’interroge sur la façon dont les personnels et leurs représentants pourront être associés, alors qu’actuellement ce n’est guère le cas pour la préparation de la Carte annuelle. A nos yeux, la perspective d’appels à projets, plus ciblés, initiés par la Région et les Autorités académiques, rend d’autant plus nécessaire un tel cadre d’échanges à toutes les étapes de l’élaboration.

La FSU tient en outre à souligner les fortes contradictions dans lesquelles l’approche de la Carte des formations se trouve prise. Ainsi en va-t-il du double objectif « d’offrir à chaque jeune la possibilité d’un projet ambitieux » et de « tenir compte des capacités de mobilité des personnes, en particulier pour les premiers niveaux de qualification », objectif totalement contredit par l’absence d’action claire pour créer des spécialités de CAP ou Bac Pro en Lycées Professionnels publics, alors que ce manque contraint, de fait, de nombreux jeunes à des choix de formation par défaut et constitue également un facteur important de décrochage. Ce facteur n’est d’ailleurs pas pris en compte dans le document.

Quant au développement de l’offre en apprentissage sur le territoire, que d’aucuns considèrent comme une bonne réponse, on s’étonne que personne à part nous n’y voit de contradiction avec les objectifs d’accès à un premier niveau de qualification et de soutien aux poursuites d’études des jeunes de la voie professionnelle. Or, les faits sont têtus : les élèves en apprentissage CAP ou Bac Pro accèdent moins au diplôme et ne poursuivent que rarement leurs études – à cet effet on se reportera utilement à la note documentée de la FSU datant de septembre dernier.

Contradiction enfin, et ce n’est pas la moindre, entre les objectifs éducatifs de la formation initiale et un adéquationisme, toujours récusé mais toujours bien présent à en juger par la formule ouvrant le Chantier 2 – « construire des filières de formation en lien avec les réalités économiques régionales », ou encore aux remarques sur « l’inadéquation » entre offres d’emplois et taux de pression sur certaines formations. Or, non seulement cet adéquationisme est de plus en plus en décalage avec les aspirations des jeunes de la formation professionnelle, spécialement les Bacheliers Pro (ce que le document souligne d’ailleurs), mais singulièrement, la volonté « d’améliorer la réactivité de la formation pour répondre aux besoins des entreprises » n’a jusqu’ici trouvé aucune concrétisation dans des décisions d’ouvertures pour des formations publiques correspondant pourtant aux métiers en tension (CAP boucherie, coiffure par exemple) !

A moins que pour certains la clef de toutes ces contradictions se trouve dans le projet d’un appareil de formation initiale fracturé en deux ? – avec d’un côté une formation générale et technologique de l’Education nationale ouvrant les jeunes aux poursuites d’études, et de l’autre, une formation professionnelle initiale renvoyée à l’économie des territoires et assignant aux jeunes les moins favorisés des parcours tout tracés vers l’emploi. Un projet que la FSU rejette vigoureusement, justement parce qu’elle adhère, pour sa part, à l’idée que tous les jeunes ont vocation à apprendre, à s’éduquer et à se former dans l’une des trois voies du lycée, sans hiérarchie et sans fatalité.

S’agissant de l’apprentissage, la présentation qui en est faite nous étonnera décidément toujours ! Revendiquant sa reconnaissance comme voie de formation à égale dignité avec les autres, ses promoteurs ne manquent jamais l’occasion d’en marquer en même temps les spécificités – au risque d’en faire un peu trop : « formation articulant le théorique et le pratique », « formation d’excellence pour des publics diversifiés », … « gratuité » même ! S’agit-il vraiment de spécificités de l’apprentissage ? Sûrement pas ! Et pas davantage selon nous s’agissant de la garantie d’une bonne insertion professionnelle : car là encore la note de la FSU de septembre écorne quelque peu, chiffres à l’appui, ce lieu commun. Comme rappelé dans ce CPRDFOP, ce qui est vraiment spécifique de l’apprentissage, c’est de permettre aux employeurs de former leurs futurs collaborateurs : entendons par là, développer les compétences internes à l’entreprise, à l’instar de l’Allemagne, certes, mais avec de l’argent public en l’occurrence.

Soulignons enfin que le document mentionne, certes avec précaution, deux problèmes récurrents de taille : premièrement que « les très petites entreprises, qui constituent l’essentiel des employeurs d’apprenti-es, ne sont pas toujours outillées pour assurer convenablement la formation » – ce qui signifie que cette carence ne doit pas être rare ; et deuxièmement « qu’en fonction des secteurs, l’égalité d’accès femmes/hommes demeure une vraie problématique ». La FSU ne peut que souligner la contradiction qu’il y a avec la volonté du CPRDFOP de mettre davantage l’accent sur la dignité de la personne au centre du système de formation, la lutte contre toutes les discriminations et le principe d’égalité.

Pour toutes ces raisons, la FSU regarde également avec beaucoup d’inquiétude les déclarations durant la campagne du nouveau président de la République appelant à faire de l’apprentissage « le cœur de l’enseignement professionnel » et à développer massivement des sections d’apprentissage dans tous les lycées professionnels, ou encore l’instauration de périodes de pré-apprentissage après la 3ème . Ce que la FSU demande pour sa part c’est un vrai plan de développement de toute la voie professionnelle, du CAP à la Licence Pro . Dans le cadre du futur CPRDFOP, elle demande une nouvelle fois qu’a minima les possibilités de choix entre les voies de formation soient renforcées.

La FSU ne semble pas non plus avoir été vraiment écoutée s’agissant du SPRO. Contrairement à ce que nous avions cru entendre au cours des échanges, on ne reconnaît toujours pas une vraie spécificité de l’Orientation scolaire au regard de l’Orientation tout au long de la vie. C’est le thème insistant de la remise en question de « l’approche par statuts » qui prime tout. C’est une déception de taille pour nous car nous espérions une claire distinction des publics et que le passage de la logique du SPRO à celle d’un SPRO-EP aurait permis d’afficher aussi la spécificité de l’information et de l’accompagnement des actifs. Or cette idée est à peine esquissée dans le document et elle est bien vite escamotée au profit de celle d’un « continuum », dans la droite ligne des orientations précédentes.

La FSU regardera néanmoins avec attention le volet programmatique du CPRDFOP qui sera présenté cet automne, en espérant que cette déclinaison du volet stratégique marquera des inflexions. Mais elle est tout de même étonnée que le volet stratégique présenté ici ne fasse aucune référence au SPOTLV, ni aux textes définissant les rôles respectifs de l’État et de la région. Elle rappelle son opposition à l’Accueil Personnalisé Individualisé dont le Cahier des charges va au delà du « premier accueil » tous publics, ce qui n’est pas conforme aux engagements de l’État s’agissant des missions du corps des PsyEN des CIO.

La FSU regrette de ne pas avoir été entendue sur ces points de désaccord majeurs pour nous et sur lesquels nous nous sommes déjà exprimés, ceci d’autant plus que le texte comporte par ailleurs certains éléments positifs tels que l’expérimentation de l’accueil renforcé des Bacheliers Pro en BTS (même si le document reste peu précis sur sa mise en œuvre), la pleine reconnaissance de la place de Pôle Emploi dans le dispositif de la Stratégie Coordonnée Emploi-Formation-Orientation Professionnelles co-élaborée par l’État et la région, ainsi que la volonté d’un travail approfondi du CREFOP dans le cadre de la Commission Prospective.

Le projet de développement de formations certifiantes et qualifiantes en formation continue, avec la mise en place de parcours sécurisés (Chantier 6), est également un projet positif, même s’il faut considérer avec prudence la logique de découpage des éléments de formation – tout n’étant pas « sécable » – des acquis de connaissances générales non maîtrisés pouvant avoir de lourdes conséquences sur l’obtention d’épreuves techniques en VAE.

La FSU ajoute que, s’agissant de la diminution globale des durées de formation sur ces dernières décennies dont le document fait mention, en dehors des inégalités liées aux politiques RH des entreprises, la région elle-même a participé de ce fait en demandant la réduction des heures de formations par souci d’économies, particulièrement les heures d’enseignement général concernant les diplômes Education Nationale, avec pour effet de privilégier des orientations vers des titres du Ministère du Travail et des CQP.

En conclusion, la FSU vote contre le document stratégique du CPRDFOP et redit sa déception face à ce texte qui nous semble à plusieurs égards en relatif recul par rapport aux échanges nombreux et aux contributions qui l’ont précédé et qui semblaient globalement plus riches. Il est sans doute encore possible de faire évoluer favorablement certaines orientations dans les déclinaisons programmatiques à venir. C’est ce que nous attendons maintenant.