Intervention de Jean Luc LE GUELLEC – FSU –

 

Le projet d’expérimentation du SPRO qui nous est présenté affiche des principes auxquels la FSU souscrit, en particulier, l’importance d’un droit à l’orientation pour toute personne. L’idée qu’un tel droit ne puisse être assuré que par un service public est, aussi, une conviction de la FSU. Enfin, la nécessité de personnels qualifiés pour aider élèves, étudiants, salariés ou demandeurs d’emploi à construire un projet est réaffirmée régulièrement par notre syndicat. Acquiescer à ces principes n’équivaut pas, pour la FSU, à confondre tous les publics ni à traiter de façon indifférenciée les différentes missions des services concernés. C’est dans le même esprit que le législateur prévoit de continuer à confier à l’Etat la définition nationale de la politique d’orientation des élèves et des étudiants dans les établissements scolaires et établissements d’enseignement supérieur.

La FSU insiste sur le fait que l’orientation des adolescents scolarisés relève d’une problématique différente de l’orientation des salariés ou des demandeurs d’emploi. L’orientation des scolaires est de nature éducative, psychologique et comportementale. Les services en charge du travail auprès des adolescents relèvent de professionnels ayant une formation spécifique et une mission particulière. La formation initiale n’est pas seulement première, chronologiquement. Elle est celle qui devrait installer le rapport aux apprentissages, la confiance en soi, l’envie d’apprendre, essentiels pour une reprise de formation à l’âge adulte. Les questions d’orientation à cette période revêtent donc une importance et une spécificité qu’il faut absolument prendre en compte. A cette étape de la vie, le terme « d’accompagnement » s’inscrit dans une démarche trop peu ambitieuse car facilement réduite à l’acceptation de la résignation ou de décisions prises par d’autres. Par ailleurs, la réduction de l’orientation scolaire à la seule « information sur les métiers » se traduit trop souvent par l’injonction précoce au « projet professionnel » vis-à-vis des élèves en difficultés, ceux qui justement sont le moins armés pour se projeter dans l’avenir. Les perspectives professionnelles ne peuvent se construire que très progressivement et dans une vision large. Les choix vers les formations professionnelles et technologiques doivent être pensés autrement que dans les limites des emplois du territoire de proximité et autrement que comme des choix par défaut.

Ces remarques valent pour les scolaires ; les démarches de conseil d’orientation pour les demandeurs d’emploi renvoient à d’autres problématiques. Les agents de Pôle emploi sont malheureusement bien placés pour savoir que leur métier de conseil a été remis en cause par l’imposition d’indicateurs et d’objectifs pour lesquels l’impératif de placement prévaut sur tout autre considération. Si nous n’entendons pas les exigences de ces professionnels ayant des conditions de travail de plus en plus éprouvantes nous ne construirons jamais un service public d’orientation de qualité.

Le projet d’expérimentation propose de coordonner les actions des différents organismes. Pour la FSU cette coordination doit effectivement se faire entre les organismes sur les publics pour lesquels elles sont « naturellement » en contact au moment des transitions. La plateforme d’appui aux décrocheurs est un lieu tout à fait indiqué pour mettre en pratique cette articulation. De la même façon, la coordination pour rendre plus efficace le « premier accueil » fait l’accord de tous. Par contre, la FSU ne peut pas souscrire à la volonté implicite de redéfinition des métiers et des modes de fonctionnement des structures intervenant dans le SPRO. Telle est bien notre inquiétude.

Inquiétude renforcée par le rôle attribué par la Région au cabinet privé Alcanea au sein du groupe technique régional. Nous sommes d’abord surpris qu’une collectivité demandant une telle expérimentation n’ait pas les ressources en interne pour assurer, par elle-même, le fonctionnement de ce groupe. Par ailleurs, on a beau essayer de nous rassurer en indiquant qu’il ne s’agit, pour ce cabinet, que de l’animation d’un « groupe de praticiens », l’objectif d’élaborer un « socle commun du conseil » accroît le risque de normalisation des pratiques par l’imposition de dites « bonnes pratiques ». Nous ne construirons pas de coopération saine sur la base de la négation de la professionnalité des acteurs concernés.

La FSU vient d’alerter le rectorat sur cette question, elle interpelle, aussi, le conseil régional pour une clarification quant au nécessaire respect de la spécificité des différents services intégrants le SPRO, comme des missions de chacun d’entre eux.