Lors de la session plénière du 29 mars dernier, malgré un nombre très conséquent d’abstentions, dont celles de la CGT, de la FSU, de l’UNSA et de Solidaires, notre assemblée a adopté un vœu partagé avec le CESR de la région Pays de La Loire. Aujourd’hui, la nouvelle contribution soumise à nos débats appelle de notre part un certain nombre de remarques et commentaires.
Tout d’abord, après l’urgence de la fin du mois de mars, nous nous interrogeons sur la poursuite ou non en Région Pays de la Loire d’une démarche similaire à celle entreprise par le CESR Bretagne. Nous avions compris que l’objectif était d’avoir une réponse commune à l’appel à projet Initiatives d’Excellence et nous aurions apprécié d’avoir connaissance d’une éventuelle contribution du CESR Pays de la Loire au débat à l’instar du texte porté à l’attention de notre assemblée. Il ne s’agit pas avec cette remarque d’une appréciation de fond mais simplement d’essayer de comprendre si les deux régions ne sont pas en décalage sur le sujet malgré la volonté de coopération affichée.
Sur le fond, la CGT, la FSU, l’UNSA et Solidaires, avec leurs organisations intervenant dans le champ de l’enseignement supérieur et de la recherche, demeurent dubitatives sur les effets réels du Grand Emprunt pour l’économie du pays et donc des régions. Ainsi, pour le volet enseignement supérieur, le mode de financement choisi par le gouvernement semble être celui d’un capital bloqué pendant plusieurs années. Seuls les intérêts de ce capital seront réellement disponibles pour des investissements. Il s’ensuit que les investissements seront inéluctablement modestes et en tout cas bien inférieurs à ceux qui seraient nécessaires pour permettre à l’enseignement supérieur et à la recherche publics d’accélérer le développement économique, au plan national comme au plan régional.
De plus, le mode de financement et la faiblesse des sommes disponibles rendront presque obligatoire le recours à des partenariats publics privés (PPP) pour le financement des projets des établissements d’enseignement supérieur. Depuis leur mise en place, nous n’avons eu de cesse de dénoncer les travers de ces PPP ; nous ne manquons pas de le refaire ici à propos du Grand Emprunt.
A défaut d’investissements matériels massifs, on aurait pu s’attendre à des investissements en termes de moyens humains, c’est-à-dire d’enseignants et de chercheurs exerçant dans des conditions d’emplois stables. Mais, là encore il n’y a que déception puisque l’idéologie de la compression de la dépense publique entraîne au mieux une stagnation du nombre d’emplois.
Ces constats ont amené certains à se demander si le volet enseignement supérieur du Grand Emprunt n’avait pas pour objectif principal de conforter et d’amplifier la recomposition du paysage universitaire débutée avec la mise en place des Pôles de Recherche et d’Enseignement Supérieur (PRES) et poursuivie avec la loi Libertés et Responsabilités des Universités (LRU). Le texte qui nous est présenté aujourd’hui contribue à renforcer cette position sur deux points :
d’abord par le long passage dédié au rôle que devrait jouer le PRES Université Européenne de Bretagne (UEB),
ensuite par l’appel incantatoire à la coopération entre établissements alors même que la LRU par l’autonomie complète incite les plus petits établissements au repli identitaire et les plus gros à un appétit de prédateur.
Peut-on imaginer qu’à la fin de cette recomposition, la France soit revenu au paysage universitaire des années 1960 (peu d’universités très centralisées avec une gouvernance éloignée des agents oeuvrant pour la formation et la recherche) ? Le culte du toujours plus gros et les formes nouvelles de gouvernances, qui ne sont guère autre chose qu’une recentralisation des pouvoirs décisionnaires excluant les représentants des personnels (et donc la démocratie sociale), laissent cette possibilité ouverte sinon probable.
Comment cela se traduirait-il en Bretagne ? Sans doute par la persistance d’un seul pôle universitaire – un PRES interrégional de type II comme cela semble s’organiser dans d’autres « grandes régions » – de grande taille fédérant certainement les chercheurs des agglomérations de Rennes et Nantes, peut-être ceux de Brest et Lorient. Cette structure serait centrée sur deux ou trois thématiques (les TIC, la mer, l’agroalimentaire). Sans être certain, l’éloignement entre la gouvernance et les enseignants et chercheurs est possible car cet éloignement est, au moins pour partie, lié à la taille de la structure.
Au fond, ces risques en termes d’aménagement et d’équilibre des territoires ont été pointées lors de notre débat du 29 mars. Ils ont indubitablement pesé sur le fort nombre d’abstentions lors du vote du vœu . Nous comprenons que ce résultat de vote et les préoccupations quant à l’équilibre du territoire sont à l’origine de la dernière partie de la contribution d’aujourd’hui.
Cette dernière partie, dépassant les satisfecits et les lieux convenus, nous paraît la plus intéressante de la contribution lorsqu’elle pointe les risques portés par les programmes liés au Grand Emprunt.
Bien évidemment, l’étude « Enseignements Supérieurs et politiques régionales : enjeux et défis », qui débute à peine, sera l’occasion de développer et de préciser la position des uns et autres sur ces différents aspects. Mais il convient d’ores et déjà de s’interroger sur la possible irréversibilité de certains choix qui seront effectués par les acteurs régionaux de l’enseignement supérieur dans la réponse à l’appel à projet « Initiative d’excellence » du Grand Emprunt.
En conclusion, la CGT, la FSU, l’UNSA et Solidaires font le choix de s’abstenir sur la contribution présentée lors de cette session plénière.