Interview au journal Libération de Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU, première fédération syndicale du monde enseignant. Lundi 26 mars 2012.
Penser le système éducatif du XXIe siècle oblige à imaginer l’avenir. Notre société évolue, ses besoins se diversifient, les savoirs se complexifient, les élèves changent. L’Etat doit donner aux futures générations les outils d’émancipation pour faire face aux défis de demain. Cela nécessite de transformer le fonctionnement du système éducatif pour en réussir sa démocratisation.
Il serait démesuré d’attendre tout de l’école et il convient d’agir aussi sur son environnement (politiques sociales, de santé, de logement, de la Ville…). Mais l’école a sa partition à jouer pour aider à la réussite de tous : les difficultés de notre système éducatif ne sont pas inéluctables.
Aujourd’hui, l’école doit faire face à un fléau insupportable : l’échec scolaire. Ce phénomène est étroitement corrélé aux inégalités sociales et territoriales, et se traduit notamment par les sorties sans qualification de milliers de jeunes.
Pour lutter contre l’échec scolaire, la FSU propose deux axes de travail.
D’une part il faut agir dans la classe, car c’est là que se jouent les apprentissages. Il faut donc permettre un autre exercice des métiers de l’éducation pour, tout au long de la scolarité, prévenir les difficultés sur le temps scolaire, et en diversifiant les pratiques.
Cela passe par le développement de pratiques professionnelles permettant une meilleure prise en charge de tous les élèves : travail en équipe, en petits groupes, interdisciplinaire, co-interventions sur un groupe classe, Rased (les Réseaux d’aide aux élèves en difficulté, très touchés par les suppressions de postes, ndlr), reconnaissance du temps de concertation des personnels.
Cela exige aussi la stabilisation des équipes avec de meilleures conditions de travail et bien sûr, une formation professionnelle de haut niveau, indispensable. Mais pourquoi faut-il sans cesse justifier qu’enseigner est un métier qui s’apprend alors que cela semble aller de soi dans d’autres domaines ? Il est urgent de reconstruire la formation des enseignants !
D’autre part il est nécessaire de refonder l’Education prioritaire. Les dispositifs Eclair (300 collèges et lycées difficiles où les chefs d’établissement peuvent recruter les profs, ndlr), pas plus que les internats d’excellence (créés par Sarkozy pour les élèves méritants) ne répondent aux besoins des quartiers défavorisés où se concentrent les difficultés scolaires. Reconstruire une éducation prioritaire, c’est centrer des efforts sur ces territoires pour compenser les inégalités : sectorisation, effectifs, encadrement, conditions de travail, scolarisation des tout-petits…
En finir avec la sélection précoce
Permettre à chaque jeune de réussir et de sortir du système éducatif avec une qualification, c’est aussi répondre à la question : que doit enseigner l’école ? Il est nécessaire aujourd’hui de repenser les contenus d’enseignement pour que tous les élèves y trouvent sens et pour qu’ils répondent mieux aux exigences de notre temps. Ils doivent intégrer toutes les dimensions d’une culture commune conçue pour tous et pour chacun. Car c’est bien au service public d’éducation que revient la mission de permettre à chaque jeune, et en particulier à ceux qui n’ont que l’école pour les acquérir, d’avoir accès et de maîtriser les connaissances et la culture (littéraire, scientifique, économique et sociale, artistique, nouvelles technologies, sportive, technologique, professionnelle…).
C’est pour donner à chacun le temps de s’approprier cette culture commune et viser une élévation générale des qualifications que la FSU propose une scolarité obligatoire portée à 18 ans. Mais reculer l’âge de sortie ne suffira pas à faire réussir ceux qui échouent actuellement avant 16 ans. Pour éviter les paliers et orientations précoces, donner au contraire sens et cohérence à une diversité d’apprentissages, ce sont bien de nouveaux programmes, des pédagogies renouvelées, un temps scolaire mieux construit, des conditions de scolarisation améliorées, des articulations entre les niveaux, de nouvelles passerelles entre les différentes voies et séries qu’il nous faut inventer. Il faut en finir avec la compétition scolaire et la sélection précoce : les systèmes éducatifs les plus performants sont les plus équitables, proposant une longue scolarité commune.
Notre système éducatif a besoin de retrouver de la stabilité et de la sérénité. L’école doit devenir un lieu accueillant pour tous, élèves, familles, personnels et pour que vive ensemble cette communauté éducative.
Un investissement d’avenir
Pour tout cela, des moyens humains seront indispensables car pour apprendre il faut une médiation, des passeurs. On ne fera pas l’économie de la formation, du recrutement et de la revalorisation d’équipes pluri-professionnelles (enseignants, conseillers principaux d’éducation, conseillers d’orientation-psychologues, surveillants, assistants sociaux, infirmières, personnels administratifs et ouvriers). L’avenir de notre jeunesse mérite que l’on s’y engage pleinement.
L’éducation est une responsabilité collective, un enjeu pour l’avenir de notre société tant pour son développement économique et social que pour sa cohésion sociale. C’est aussi un défi culturel et humaniste, un enjeu de démocratie. Dans le contexte de crise, c’est un investissement d’avenir.
Le temps est venu d’un nouveau pacte éducatif entre l’école et la société afin d’entrer de plain pied dans le futur. Ce pacte doit se décliner par une nouvelle loi d’orientation et de programmation, par un collectif budgétaire et par un plan d’urgence dès la prochaine rentrée.
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