Le projet présenté au CESER porte sur la troisième convention de ce type (2015-2020) mais les ambitions du texte sont loin d’être tournées vers l’avenir : sans aucun plan programmé dans le temps, les objectifs affichés pour 2020 sont ceux… de 2010 !
La FSU a dénoncé le manque d’ambition et plus particulièrement les exigences draconiennes imposées par le rectorat pour les ouvertures de classes.
Intervention de Jean-Marc CLERY
« La FSU n’étonnera personne en rappelant sa conviction de la nécessité du cadre national pour le service public d’éducation afin d’en assurer la présence partout sur le territoire avec les mêmes conditions d’étude pour tous les élèves. C’est ce que les syndicats de la FSU rediront encore samedi 10 octobre en manifestant contre la réforme du collège qui remet en question ce principe.
La FSU ne devrait étonner personne non plus en rappelant sa conviction que les langues régionales ont toute leur place dans le service public d’éducation. Parce que l’école joue un rôle essentiel pour la sauvegarde et la transmission de la langue, c’est avant tout à l’école publique, gratuite, laïque, ouverte à tous, de répondre à l’attente des familles.
De ce point de vue, une nouvelle convention entre l’Etat et la région est un acte important qui doit permettre de penser les conditions nécessaire à la réalisation des engagements de l’Ecole aux problèmes spécifiques de l’enseignement de et en langues régionales. Mais sans chiffrage précis ni plan de développement programmé dans le temps, les déclarations d’intentions tournent au vœu pieux.
Or le constat ne porte pas vraiment à l’optimisme : si l’enseignement bilingue continue de s’étendre avec des sites nouveaux, et si les effectifs progressent, atteignant cette année 16 000 élèves, ils restent encore aujourd’hui très en retrait par rapport à l’objectif de 20 000 élèves fixé par le CPER pour 2010. Pour ce qui est de l’enseignement public, qui compte pour près de la moitié des effectifs, il enregistre cette année l’un de ses taux de progression les plus faibles (+3,5%), confirmant la tendance au ralentissement depuis le début des années 2010.
La raison en est que l’Education nationale cherche surtout à limiter le nombre des emplois qu’elle doit apporter, alors qu’il faudrait au contraire faire preuve de davantage de volontarisme en matière d’objectifs au plan quantitatif et qualitatif. Le rectorat a fait inscrire dans cette convention des seuils d’ouverture très contraignants qu’il a cherché à imposer ces dernières années contre la réalité du terrain, niant ici au passage la présence des enfants de deux ans à l’école. Il met ainsi délibérément les écoles maternelles publiques dans la difficulté, puisqu’elles sont placées devant le choix, ou bien d’accepter tous les enfants dont les familles en font la demande, ou bien de laisser les familles se diriger vers d’autres réseaux afin préserver la qualité nécessaire à l’accueil des tout-petits dans leurs classes.
C’est encore plus vrai quand on parle d’acquisition précoce d’une langue et de filières concomitantes dans la même école.
Le rectorat impose également dans cette convention la notion de « nombre de places vacantes », notion parfaitement théorique, cela dans son obsession de « rentabiliser » les emplois. Le résultat de cette vision est bien connu, notamment dans le secondaire, c’est la « mise en sommeil » ou la fermeture de nombreuses classes bilingues ou d’option de breton ou de gallo : c’est ainsi qu’on a mis fin à l’offre bilingue publique à Sizun, à Pontivy ou encore à Redon, et bientôt à Rostrenen, privant ainsi de perspectives les enfants du bilingue dans le premier degré.
Difficile de croire alors aux annonces en matière de continuité du bilingue entre le primaire et le collège. L’annonce d’une révision plus régulière de la carte de pôles, si elle est un point positif à noter, ne permettra pas à elle seule d’empêcher les ruptures de cursus, d’autant que la question des transports scolaires vers les collèges de pôles qui ne sont pas les collèges de secteur n’a toujours pas été résolue.
En tous cas, la FSU ne peut pas accepter « la complémentarité des réseaux » affichée dans la convention comme un principe relevant de la « cohérence géographique », alors que c’est l’absence de réponse de l’Education nationale à la demande des familles envers l’école publique qui met celles-ci dans l’obligation de rejoindre l’enseignement confessionnel pour une poursuite d’études bilingues.
La FSU s’interroge également sur la portée réelle du soutien annoncé envers l’enseignement optionnel des langues régionales en collège. Il est certes dit que tous les établissements pourront le proposer, mais ce sera sous réserve de l’avis du Conseil académique des langues régionales (CALR), ce qui revient à suspendre toute décision aux contraintes imposées par le rectorat.
Or la situation de l’option « langue régionale » risque de devenir dramatique avec la mise en œuvre de la réforme du collège à la rentrée 2016. Incluse dans les nouveaux « enseignements pratiques interdisciplinaires » (EPI), éventuellement proposée comme « enseignement de complément » tout en étant mise en concurrence avec d’autres enseignements du fait de la globalisation de la dotation en collège, l’option « langue régionale » est menacée de disparition – ce sont plus de 2 500 élèves qui suivent actuellement cette option en collège.
Sur de nombreux points cette convention manque de sens, faute de parvenir à engager réellement l’Etat à répondre à la hauteur des enjeux pour les langues régionales.
Les congés formation en sont un exemple caractéristique : la convention acte une « priorité » donnée aux demandes pour se former à l’enseignement du breton ; mais dans le même temps aucun abondement supplémentaire n’est fait dans la dotation globale ce qui ne peut que produire des tensions entre candidats aux congés formation. La FSU tient à rappeler à ce propos que le congé formation n’a pas été créé pour pallier aux déficiences du système et aux carences en enseignants spécialisés. On ne peut se contenter de constater au fil des années et des conventions que le nombre des candidats aux concours est insuffisant. Il est plus que temps de se pencher sur les causes et d’inventer des réponses efficaces et pérennes.
Qu’il s’agisse du nombre de postes bilingues réellement pourvus ou du recours aux personnels vacataires, ou qu’il s’agisse encore de la formation à l’université ou à l’ESPE, on ne voit pas non plus les gestes politiques marquant l’engagement de l’Etat sur le dossier des langues régionales.
En l’état la FSU ne peut donc émettre un avis positif sur ce texte. Elle s’abstiendra sur l’avis. »