Mardi 9 mai le CESER a présenté une étude de la Commission Formation-Enseignement supérieur sur le thème « Former mieux pour réussir la transition énergétique et écologique en Bretagne ». Outre un certain nombre de préconisations, cette étude propose un état des lieux approfondi des acteurs de la formation comme des dispositifs existants afin d’en évaluer la portée.

La FSU a réagi à certaines préconisations de l’étude notamment en ce qui concerne la Carte des formations professionnelles initiales. Elle a également fait quelques rappels utiles s’agissant des qualifications professionnelles face au développement de la logique des « compétences ».


Intervention de Jean-Marc CLERY – FSU

Développer et améliorer la formation pour tous, contribuer à la prise de conscience collective et à la transformation des modes de production face à l’urgence écologique : la FSU ne peut que souscrire à ce double objectif que porte le titre de cette étude. Elle salue le travail accompli par la Commission Formation-Enseignement supérieur, et en particulier par Valérie Fribolle et Joël Siry, nos deux rapporteurs, ainsi que par Virginie, notre cheffe de pôle. Elle adresse également un salut amical, ainsi que nos vœux de prompt rétablissement, à notre collègue et camarade Joël qui a porté avec conviction cette étude depuis ses tout débuts.

Outre des préconisations, cette étude a le mérite de proposer un état des lieux approfondi des acteurs de la formation comme des dispositifs existants afin d’en évaluer la portée ; elle analyse également la situation à travers deux focus sectoriels très utiles. S’agissant du premier, l’agriculture, la FSU retiendra la nécessité pleinement reconnue ici de développer une formation initiale tournée résolument vers l’agro-écologie – soulignons à ce titre l’engagement précoce et fort des lycées agricoles publics dans cette voie.

S’agissant du second, le bâtiment, l’étude qui insiste sur l’importance de la commande publique comme levier du changement, relève au passage la présence des critères écologiques dans la politique d’achat du Conseil régional. On aurait peut-être pu alors inciter la Région à adopter une politique immobilière plus volontariste pour le renouvellement du cadre bâti des lycées publics ; car si des initiatives comme Karta ou Qualycée ont une portée éducative auprès des lycéens, la qualité des locaux dans lesquels ils évoluent au quotidien en a certainement une aussi.

Parmi les nombreuses préconisations de cette étude, la FSU en retiendra deux. La première incite à davantage de transversalité dans les formations, y compris en formation initiale, et à des échanges au sein des équipes pédagogiques autour d’objets d’études communs. Elle souligne fort justement que de telles expériences nécessitent des temps de concertation pour les collègues et toute une organisation. Du temps et des moyens pour mettre en place de la co-intervention, c’est justement ce que la FSU avait revendiqué lors de la mise en place des nouvelles séries technologiques industrielles STI2D mais qui a trop souvent manqué et manque encore sur le terrain. C’est aujourd’hui ce qui manque aussi le plus dans la réforme du collège – réforme que les collègues ont toujours bien du mal à porter actuellement.

L’autre préconisation concerne les évolutions attendues concernant la Carte des formations professionnelles initiales. La FSU souscrit au vœu d’une Carte capable de prendre en compte de manière plus réactive l’évolution des besoins liés aux transitions. Elle regrette cependant que l’étude pense surtout cette Carte du point de vue des « besoins des territoires », alors qu’il s’agit, selon nous, de penser d’abord une offre de formation qui réponde aux attentes des jeunes.
La FSU n’étonnera personne en soulignant une fois de plus ici la nécessité de développer en priorité ces formations dans les lycées et les lycées professionnels publics alors que, chaque année, de nombreux jeunes se retrouvent contraints dans leurs choix d’orientation faute de places dans les formations à proximité. Le développement de l’accueil des Bacheliers professionnels en BTS, que la Région porte actuellement conjointement avec le rectorat, rendra sans doute ces attentes plus pressantes encore à l’avenir. C’est un enjeu nouveau dont il faut prendre toute la mesure dès aujourd’hui.

Qu’on nous permette pour finir deux remarques d’ordre général. La première concerne un débat qui nous semble un peu vite tranché par l’étude entre « nouveaux métiers » et « nouvelles compétences ». Un métier, ne se définit pas seulement à partir de ses composantes techniques : tout comme les « qualifications », les métiers s’inscrivent dans une histoire collective au carrefour de la technique, de l’économie, de l’organisation du système de formation aussi bien que des relations sociales et des rapports de force entre salariés et employeurs.

S’ils évoluent avec le temps, les métiers et qualifications sont des stabilisateurs qui structurent la sphère du travail et son organisation. Sans vouloir rejeter systématiquement les « compétences », celles-ci posent cependant problème quand elles se substituent aux métiers et aux qualifications : elles participent alors de l’érosion des garanties collectives dont les salariés ont besoin, en termes de salaire et de conditions de travail, mais aussi de reconnaissance. L’impact des mutations actuellement en cours dans les secteurs liés aux transitions est sans doute encore difficile à appréhender, mais la FSU n’est pas d’accord pour qu’on considère les perspectives d’évolution professionnelle uniquement en termes de « compétences supplémentaires » à acquérir.

La dernière remarque insistera sur les défis écologiques et énergétiques qu’on ne peut pas regarder seulement comme autant d’opportunités. Ces défis que nous ne faisons sans doute qu’entrevoir aujourd’hui, sont d’une ampleur à vrai dire effrayante, tant par leur urgence croissante que parce qu’ils exigent de nous une pensée de la globalité qui nous fait encore largement défaut. Des initiatives doivent être prises à tous les échelons – ainsi la future COP régionale aura toute son importance. Mais nous avons un besoin urgent d’une programmation nationale pour mettre en cohérence dans le temps et dans l’espace la transformation de nos modèles de production, de consommation et d’échanges.

Cette question, cruciale, comme celle des transformations du travail, a animé utilement le débat du premier tour de la présidentielle. Sa disparition quasi-totale durant l’entre-deux tours laisse craindre qu’on ne soit pas tout à fait entrés dans le « cercle de la raison » dont se réclame le nouveau président de la République.