Intervention de Jean Luc LE GUELLEC – FSU –

Une fois encore la section prospective a produit une étude très intéressante. Les scénarios proposés permettent, par ailleurs, à chacun de « retrouver ses petits ». Le sujet n’était pas facile d’autant que l’expression « services collectifs », elle-même, fait l’objet de controverses. Des économistes ont bien essayé de préciser le sens du mot « bien collectif » en s’appuyant sur les notions de non-rivalité (l’usage par un individu n’empêche pas celui d’un autre) et celle non-exclusion (on ne peut exclure personne de son usage). Le bien collectif serait donc non-rival et non-exclusif, le bien commun rival mais non-exclusif. S’ajouterait à cette distinction le caractère privé ou public de l’agent fournisseur. Si ces distinctions peuvent aider à se repérer, elles ne doivent pas faire oublier que les conceptions des services collectifs et/ou publics dépendent de choix politiques et de rapports de forces idéologiques. D’ailleurs la définition proposée par l’étude indique « ensemble des services mis en œuvre afin de satisfaire les besoins exprimés par la population et reconnus d’intérêt général par la collectivité ». Comment l’intérêt général est-il défini par la collectivité ? C’est bien là le problème.

Dans le combat pour déterminer la frontière entre ce qui relève du droit de propriété privée et ce qui relève du bien commun, la sémantique joue un rôle essentiel. L’imposition par les institutions européennes de l’expression « service d’intérêt général » en lieu et place de « services publics » n’est pas neutre. L’idée qu’un opérateur privé puisse rendre un service public dénature bien entendu le sens que nous avons donné, en France, à la notion de service public. Les libéraux enfoncent d’ailleurs le clou en essayant d’imposer l’expression de « service au public », histoire de généraliser la confusion.

Pour la FSU, le service public n’est pas un simple prestataire de services. Il doit permettre à chaque citoyen d’accéder à la satisfaction de droits légitimes et essentiels pour tous : santé, éducation, culture, justice…mais aussi transports, électricité, eau, communication, nécessaires à tous et surtout aux plus démunis. Il est aussi un instrument des politiques publiques et de leur légitimation pour faire face, aujourd’hui, aux urgences écologiques et sociales. C’est dans ce cadre que les services publics prennent tout leur sens. L’usager des services publics suppose le citoyen, c’est pourquoi les services publics sont, aussi, un instrument de la citoyenneté. Les missions des services publics doivent donc échapper à la logique du marché si elles veulent répondre aux exigences d’unité, d’accessibilité et d’égalité de traitement. Parce qu’il est nécessaire de déroger aux règles traditionnelles de la concurrence, ces missions, pour être remplies, doivent bénéficier d’organisations spécifiques et d’agents particuliers.

C’est pour cette raison que les agents des services doivent être des fonctionnaires ou, à tout le moins, des personnels ayant des garanties statutaires spécifiques qui les placent hors de la logique marchande. L’idée d’un statut renvoie à l’idée que le travailleur de la fonction publique doit être protégé de la Logique du Prince car son employeur n’est pas un employeur comme un autre. Malheureusement les évolutions passées : RGPP, modernisation de l’Etat, introduction de la logique concurrentielle et des règles du management privé, l’explosion de la précarité remettent en cause ces principes et altèrent gravement la qualité des services publics. Nous entrevoyons que les collectivités locales vont, elles- aussi passer à la moulinette.

Derrière l’idée que les services de l’Etat ou des collectivités locales doivent déléguer ou externaliser, il y a le dogme de la réduction des dépenses publiques proclamé au nom du désendettement. Il s’agit pourtant d’une erreur de diagnostic sur la crise que nous subissons. C’est la transformation massive des dettes privées en dettes publiques qui a conduit au creusement des déficits publics dans la zone euro à partir de 2008 – 2009, et non pas un surcroît de dépenses publiques comme on nous le rabâche. Il suffit pour s’en convaincre de comparer les déficits de nos pays avant et après 2007. D’autres choix que celui de l’austérité sont donc possibles mais, j’en conviens, il s‘agit d’un autre débat.