Depuis le mois de mai, la Région semble s’activer sur le dossier de la programmation en direction du patrimoine immobilier des lycées. Le 27 mai, Jean-Yves Le Drian a réuni les chefs d’établissements pour leur présenter une déclaration commune signée avec le rectorat et pour leur exposer une nouvelle stratégie pour un schema directeur des interventions sur les lycées.
Le problème, c’est que les multiples besoins des établissements sont toujours plus à l’étroit dans un budget sous-dimensionné et que la volonté politique reste frileuse pour développer le maillage des lycées publics en Bretagne.
La FSU se reconnaît globalement dans l’avis du CESER, avec toutefois un scepticisme plus marqué s’agissant de la capacité de réalisation des objectifs affichés par la région. En effet, si on ne peut que saluer l’annonce d’une stratégie « repensée », reste que les problématiques comme les démarches envisagées pour y répondre, sont peu ou prou les mêmes que celles qui ont déjà été présentées à maintes reprises. Quant à l’état des lieux des établissements, là encore, si le travail d’inventaire des différentes données de terrain recueillies est le bienvenu, on en déduit cependant avec une certaine inquiétude que cela n’avait encore pas été le cas durant toutes ces années alors qu’on n’avait cessé de nous en parler !
Or c’est peu de dire que l’impatience des acteurs sur le terrain est grande, à la fois du fait des objectifs non atteints et des projets d’interventions régulièrement reportés tandis que la qualité du bâti se dégrade – mais aussi parce que de nombreux lycées publics constatent l’insuffisance de leurs capacités d’accueil pour répondre aux évolutions démographiques, cela dans un contexte qui, une fois de plus n’est pas celui d’une complémentarité avec le réseau privé confessionnel, mais d’une concurrence des plus inamicales.
Aussi n’est-on guère rassuré pour la suite lorsqu’on constate que des lycées de dimension conséquente, comme par exemple La Fontaine des Eaux à Dinan, n’apparaissent pas dans le document Annexe censé répertorier les « établissements en tension » – celui-ci déclarant, un peu vite, qu’il ne s’agit « que de petits établissements ». Or, dans ce secteur des Côtes d’Armor, les prévisions annoncent une montée d’effectifs jusqu’en 2020 et une croissance démographique de +1,6% comparable au pays de Rennes – l’arrivée de migrants, ici comme ailleurs, n’étant, au passage, jamais envisagée, alors qu’aujourd’hui c’est une perspective qui doit être très sérieusement prise en compte.
Dans un secteur comme le pays de Vannes où la poussée des effectifs est et sera aussi particulièrement forte, le sous-dimensionnement des établissements publics et l’écart persistant entre leurs capacités d’accueil réelles et théoriques placent de fait le réseau public en situation de faiblesse face au réseau privé confessionnel qui, lui anticipe fort bien ces évolutions en se réorganisant – comme c’est actuellement le cas semble-t-il entre le lycée N-D le Ménimur et le collège de St Avé.
Quels seront concrètement les engagements de la région pour le développement des lycées publics dans ce secteur de l’est-Morbihan où, depuis des années, la politique du département est de favoriser l’implantation de collèges privés catholiques, à St Avé, à Theix – l’enseignement public s’étant vu, quant à lui, refuser plusieurs fois la construction d’un collège ? En une décennie, la part relative du réseau privé en collèges a ainsi augmenté de plus de 3pts dans ce département, alors que là où les deux réseaux sont présents, comme dans le secteur lorientais, ou à Plescop, l’enseignement public enregistre, comme dans les autres départements, une bonne dynamique.
La politique régionale des lycées ne peut donc pas se borner à gérer uniquement le volet matériel du bâti. Et de ce point de vue, les programmes de construction des deux futurs lycées bretons permettent déjà de saisir les enjeux. Ainsi lors du comité de pilotage pour le futur lycée public de Ploërmel qui a eu lieu le 14 juin dernier, on a pu voir comment le réseau privé local a argué de la « complémentarité des réseaux » pour tenter de limiter l’éventail des formations que devra proposer le futur lycée public, alors que l’attente des familles va vers un service public d’éducation en capacité de répondre aux besoins des élèves par une offre de formation diversifiée.
Présent à ce comité, le rectorat a souligné un déficit de plus de 6pts au regard de la moyenne académique pour l’orientation vers les filières générales et technologiques dans le bassin de Ploërmel. Cet écart renvoie aux politiques menées par l’enseignement privé confessionnel.
Deux éléments de conclusion pour la FSU : premièrement la question des évolutions démographiques en Bretagne ne peut pas se borner au seul bassin rennais et il convient d’avoir une perspective régionale ; deuxièmement cette perspective doit certes prendre en compte les constats d’évolution et les prévisions démographiques à l’horizon des deux prochaines décennies, mais aussi, les « variables politiques » telles que les choix faits ou à faire, en matière d’évolution des formations, d’élévation des qualifications, d’égalité territoriale – ou encore la priorité, accordée ou non, au développement du service public d’éducation dans nos territoires.
Au-delà de toute programmation technique, si nécessaire soit-elle, il s’agit de donner une orientation politique. Sur ce plan, notre fédération a des propositions à faire, aujourd’hui étayées par les résultats d’un travail mené durant deux ans en partenariat avec le laboratoire de géographie « Espaces & Sociétés » (ESO) de l’université de Rennes 2, travail de prospective sur la démographie scolaire en Bretagne.
Cette étude est aujourd’hui achevée et donnera lieu à deux publications à la rentrée 2016. Le CESER ainsi que l’exécutif régional seront conviés à leur présentation.