INTERVENTION de M. Jean-Luc LE GUELLEC

 

L’étude qui nous est proposée aborde un ensemble d’enjeux si importants et si nombreux qu’il est difficile d’en avoir une appréciation synthétique. Le premier intérêt de cette étude consiste en une analyse critique d’indicateurs et de notions qui empêchent souvent une analyse pertinente. La partie du rapport qui explicite les différences entre les notions de croissance et de développement constitue un préalable utile, comme l’exposé des limites du PIB et donc de la nécessité d’autres indicateurs. Quant à l’indicateur PIB régional, son caractère peu fondé est bien expliqué. Le rappel des difficultés à saisir la réalité de l’industrie régionale du fait de l’externalisation par les entreprises industrielles de nombreuses activités est d’importance. Les frontières des activités sont de plus en plus floues car les services « s’industrialisent » et l’industrie se « tertiarise ». Par ailleurs, la réflexion sur le caractère inapproprié de la notion de filière permet une clarification sur la réalité des processus industriels. Dans l’étude prospective du CESER sur l’industrie, nous avions insisté sur l’insuffisance des statistiques officielles du commerce extérieur français pour appréhender la réalité des exportations bretonnes, le rappel en est fait dans ce rapport et c’est bienvenu.

La FSU apprécie, aussi, dans ce rapport les dimensions environnementales et sociales tant dans l’exposé de la situation économique de la Bretagne d’aujourd’hui que dans les perspectives de transition. La FSU est particulièrement sensible à la prise en compte de la problématique de l’égalité hommes /femmes et, bien entendu, à l’importance accordée à l’éducation, à la formation et à la recherche.

Pour autant, la FSU ne peut se reconnaître dans plusieurs propositions liées, par exemple, à la comparaison avec l’Allemagne, elles mériteraient un débat approfondi. Quant à l’affirmation « l’Etat a donc relancé sa politique industrielle », elle nous fait, c’est un euphémisme, sourire. Poser comme une fatalité l’idée « des contraintes budgétaires qui s’annoncent » relève d’un parti pris que ne partage pas la FSU, convaincus que nous sommes qu’une émancipation des marchés financiers conjuguée à une révolution fiscale permettraient de lever ces contraintes.

La FSU partage l’analyse des « ruptures qui interrogent les modes de développement de la Bretagne de demain ». La financiarisation de l’économie est, certes, évoquée mais, peut être, aurait-il fallu la présenter, elle aussi, comme une rupture même si cette rupture date des années 80. Elle est présentée un peu comme une réalité extérieure s’imposant à notre région. Quelques questions :

- les groupes opérant en Bretagne auraient-ils fait exception dans la stratégie de « valeur actionnariale » visant à accroître coûte que coûte la valeur des actions en distribuant le maximum de dividendes possible ?

- les banques opérant en Bretagne se seraient –elles toutes détournées des produits dérivés et n’auraient –elles aucun lien avec les paradis fiscaux ?

Notre région est immergée dans le système économique global, comme c’est d’ailleurs bien expliqué dans l’étude. La crise financière n’est donc pas seulement un cyclone venu d’ailleurs, les dérives de la finance sont, pour une part, endogènes à notre région. La rupture à prévoir est bien celle d’avec la finance. Sinon, on retombe dans le fatalisme en écrivant : « le crédit bancaire devrait devenir plus difficilement accessible pour les créateurs d’entreprise ou pour les collectivités locales ». C’est vrai si on ne touche pas la logique dominante des banques mais imaginons la création d’un pôle financier public à dimension régionale, il pourrait, alors, en être autrement.

La FSU aurait souhaité qu’une des préconisations de l’étude prospective du CESER sur l’industrie soit reprise dans cette étude : « veiller au maintien des services publics nécessaires au renforcement de l’attractivité des territoires pour les entreprises et les ménages, en se situant dans une perspective de long terme ». Il ne semble pas que l’expression « service public » soit présente dans cette étude comme si le mot devait disparaître avant la chose. Pour la FSU, une des conditions du développement économique réside dans de puissants services publics ayant les moyens de leurs missions !

Ces réserves ne nous empêchent pas d’apprécier positivement le travail réalisé, c’est la raison pour laquelle la FSU votera ce rapport.