Intervention de Jean Luc LE GUELLEC – FSU
Ce qui rend difficile l’appréciation du Pacte d’avenir pour la Bretagne, c’est qu’il se donne deux dimensions, l’une pour répondre à l’urgence sociale et l’autre pour préparer l’avenir. L’intégration dans les propositions faites d’éléments de politiques publiques décidés bien avant l’idée même de ce Pacte rend périlleux le chiffrage des financements qui relèvent vraiment de mesures nouvelles.
Concernant les réponses à l’urgence sociale, des pistes peuvent être considérées comme intéressantes si des moyens financiers suffisants en permettent l’effectivité. L’expérimentation d’une sécurisation des parcours professionnels sur le bassin de Morlaix si elle est menée à terme, pourrait constituer une innovation sociale porteuse d’espoir. Concernant les aides publiques aux entreprises, la FSU rejoint l’exigence portée par les confédérations d’une conditionnalité forte de ces aides au regard d’engagements sociaux et environnementaux.
La FSU regrette qu’en matière de formation, l’Etat ne se positionne pas en acteur principal en mobilisant les services publics. C’est particulièrement vrai pour l’article 2 du titre I « accompagner les restructurations ». Pourquoi de pas mobiliser de façon exceptionnelle les leviers publics que sont le GRETA, l’AFPA, les services de formation continue des universités pour la formation des salariés victimes de la crise et/ou concernés par les mutations économiques en cours ou à venir ? Il faudrait sans doute s’extraire de la logique du marché de la formation continue mais le jeu n’en vaut-il pas la chandelle ?
Dans le titre II, « conforter la Bretagne comme grande région productive », la simplification administrative est évoquée. Pour la FSU elle ne sera utile que si elle ne rime pas avec le laisser faire et l’abandon des contrôles des services de l’Etat sous prétexte de faire confiance aux acteurs économiques. La réduction des délais d’instruction des dossiers ne sera possible que si les services qui en ont la charge disposent de suffisamment d’effectifs. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Pas de simplification sans consolidation des services publics.
Le service public de l’emploi doit être mobilisé et soutenu dans ce contexte de désastre social. Se contenter d’un espace de « bourse à l’emploi » à disposition des employeurs n’est pas à la hauteur des exigences. Pôle Emploi doit être abondé en moyens humains et conforté dans ses missions de service public : conseil, orientation, accompagnement et indemnisation. Pôle Emploi, c’est, aussi, un rôle de conseils aux entreprises. Pourquoi le rôle du service public de l’emploi est si peu évoqué dans ce Pacte ?
Il est d’ailleurs remarquable que nulle part dans ce dense document n’apparaît l’expression de « services publics ». Nous ne nous en étonnerons plus tant l’idéologie libérale est hégémonique au sein des décideurs publics. Certes, l’expression « services au public » apparaît parfois mais chacun sait la charge du « au » comme négation du caractère non marchand des missions de service public.
Un grand absent de ce Pacte est l’enseignement scolaire. Dans les secteurs fragilisés au plan socio-économique, la FSU considère que l’Etat devrait soutenir les territoires concernés par un engagement éducatif fort et, particulièrement, dans le Finistère. Ce qui suppose de renoncer au discours sur les « trop petits établissements », de conforter le réseau public des collèges et de permettre, en priorité dans ces territoires, l’accès des « tout-petits » à l’école maternelle. D’autre part, pourquoi ne pas activer les fonds sociaux des établissements scolaires, souvent sous utilisés, pour apporter des aides aux enfants des familles touchées par les restructurations.
Nous aurions pu imaginer dans le Titre V « approfondir l’investissement de la Bretagne dans la connaissance » que mention soit faite de la croissance de la démographie scolaire constatée et à venir. Dans cette partie du Pacte, nous ne sommes plus dans l’urgence mais bien dans une optique de long terme. Rien quant aux nécessaires investissements en matière de constructions de bâtiments scolaires pour répondre aux besoins en termes de capacités d’accueil des futurs écoliers, collégiens et lycéens bretons. Un tel choix aurait pu alimenter l’article 4 du Titre I : « soutien à l’activité par l’investissement public » mais il n’en est rien.
Signalons, au passage, qu’un des grands atouts de notre région est le dynamisme démographique, conséquence, pour une part, d’un solde migratoire positif. De nombreuses personnes viennent vivre et travailler en Bretagne. Heureusement que, malgré des dérives identitaires voire xénophobes agitant quelques esprits, nous ne leur demandons pas un certificat de celtitude pour s’installer dans notre région.
L’agriculture et l’agroalimentaire, et c’est bien normal, font l’objet de nombreuses propositions dans ce Pacte. La FSU est interloquée qu’il ne soit fait, à aucun moment, référence, même de manière implicite, à l’enseignement agricole. Aucune référence non plus à l’enseignement maritime n’est faite dans le Tire III : « conforter la Bretagne comme grande région maritime européenne ». La construction décidée par le conseil régional d’un nouveau lycée maritime à Saint –Malo n’a sans doute rien à voir avec l’avenir maritime de la Bretagne !
Concernant l’enseignement supérieur et la recherche, certaines orientations affichées vont, pour la FSU, dans le bon sens. L’Etat s’engage à respecter en 2014 les engagements pris pour le CPER 2007 – 2013. Admettons : si l’Etat respecte, même avec retard, ses engagements nous sommes bien là dans le cadre d’une grande innovation. Concernant, l’accompagnement par l’Etat d’une organisation institutionnelle de l’enseignement supérieur et de la recherche en Bretagne, le Pacte nous laisse dans l’expectative. Affirmer une structuration conforme au schéma adopté par le conseil régional de Bretagne tout en étant « en lien » avec les Pays de la Loire, voilà une façon de ne pas trancher dans les débats en cours sur le périmètre géographique de la future communauté universitaire d’établissements. Nous percevons toutefois une tendance à donner la priorité à la constitution de mastodontes universitaires au nom d’une taille supposée critique dans la compétition internationale. Les appels à projets IDEX s’inscrivent dans cette démarche, la FSU ne développera pas une nouvelle fois, ici, les raisons de son opposition à une telle logique qui tourne le dos au développement du service public de l’ESR.
Le Pacte proposé ouvre quelques pistes qu’il convient d’explorer mais il pêche par trois erreurs stratégiques :
1 Croire que la « grande taille » constitue une réponse aux difficultés économiques et sociales c’est se tromper. Qu’il s’agisse du choix d’amplifier le mouvement de concentration en agriculture avec le mythe de la « ferme-usine » ou celui de constituer des monstres universitaires : nous sommes dans l’erreur
.
2 Croire qu’on puisse faire face aux urgences sociales et écologiques sans une mobilisation volontariste des services publics : c’est se tromper.
3 Imaginer préparer l’avenir régional en faisant l’impasse sur les problématiques d’éducation et d’enseignement scolaire général, technologique, professionnel y compris agricole et maritime : c’est se tromper.
La FSU veut encore croire à une amélioration du Pacte intégrant l’idée de priorité donnée à la jeunesse ; priorité qui doit être autre chose qu’une promesse. Puisque le Pacte d’avenir a vocation à être actualisé et complété, la FSU est disposée à y apporter sa contribution. Elle est prête à participer aux réunions en Préfecture, à la conférence sociale comme au comité de suivi du Pacte, encore faut-il qu’elle soit invitée.
Exclure certaines organisations syndicales du processus engagé est contraire à l’approfondissement de la démocratie. La FSU exige un dialogue social sans exclusive.