Plan mercredi : une inacceptable nouvelle dégradation des conditions de travail des animateurs
Le 20 juin 2018, Jean-Michel Blanquer a fait l’annonce du lancement à la rentrée 2018 du «plan mercredi » évoqué depuis l’automne 2017. Ce dispositif intervient alors que les communes optent massivement pour déroger à la semaine scolaire en quatre jours.
Un « Plan pour rien » aux propositions ni nouvelles ni originales, voire pire, contradictoires – et surtout un Plan qui n’apporte aucune réponse aux inquiétudes des salariés d’un secteur actuellement touché par des destructions massives d’emplois d’animateurs.
Vous lirez ci-dessous et en pj le Communiqué de EPA Bretagne. Pétition à signer en ligne sur le site change.org : https://www.change.org/p/jean-michel-blanquer-plan-mercredi-non-à-lassouplissement-des-taux-d-encadrement
Plan mercredi : une inacceptable nouvelle dégradation des conditions de travail des animateurs
Le 20 juin 2018, Jean-Michel Blanquer a fait l’annonce du lancement à la rentrée 2018 du «plan mercredi » annoncé depuis l’automne 2017. Ce dispositif conçu dans le contexte du recours massif à la dérogation permettant l’organisation de la semaine scolaire en quatre jours dans les communes, autorisé par le décret Blanquer du 29 juin 2017, est la transposition au mercredi des activités périscolaires mises en place dans le cadre de la réforme Peillon de 2013.
Ce « plan mercredi » s’adresse aux collectivités organisant ou désirant organiser des activités le mercredi en s’appuyant sur les projets éducatifs de territoire (PEDT) établis pour la mise en place des temps d’activité périscolaires (TAP). Le ministre souligne au passage le caractère «purement formel » d’un certain nombre d’entre eux : leur signature était notamment une condition pour percevoir le fond de soutien et pour bénéficier de taux d’encadrement dégradés (1 animateur pour 14 enfants de moins de six ans, 1 pour 18 enfants de six ans et plus).
Au-delà des formules convenues sur « l’ambition éducative » pour le « bien-être » et la «réussite » des enfants, la présentation de ce plan révèle une grande méconnaissance des réalités des accueils collectifs de mineurs (ACM).
Entre les lignes, la vision qui ressort est méprisante pour les acteurs du secteur, apparemment incapables de proposer des activités de qualité. Contrairement à ce qui transparaît tout au long du dossier de présentation du plan, tous les accueils périscolaires ne sont pas des garderies. Sous-entendre le contraire revient à nier le travail considérable fait par les équipes d’animation et l’héritage même de l’évolution des ACM depuis des décennies.
Pour autant, les propositions du ministre en matière de contenu ne sont en rien nouvelles ni originales : des activités sportives, culturelles, artistiques, des sorties, tout cela est déjà proposé. Pire, elles multiplient les injonctions contradictoires : peut-on par exemple rappeler «la place du mercredi comme un temps de relâche dans la semaine » et la nécessité de «veill[er] aux rythmes de vie des enfants, à leurs envies et à leur fatigue » tout en proposant des activités ambitieuses en grands groupes (rendus nécessaires par les faibles taux d’encadrement), suivies sur des cycles de plusieurs semaines, alors que la présence du public sur le temps du mercredi n’est pas constante à la différence du temps scolaire et des TAP ?
Alors que la pérennisation du fond de soutien pour les communes restant à quatre jours et demi est déjà actée, les seules mesures réellement concrètes du plan consistent en la majoration de la prestation CAF qui passerait de 0,54 € à 1 € par enfant en cas de signature d’un « plan mercredi », et la systématisation du mercredi comme temps périscolaire, avec les taux d’encadrement liés (1/10 et 1/14) y compris ceux applicables dans le cadre d’un PEDT (1/14 et 1/18). De plus, les intervenants extérieurs (entraîneur sportif, professeur de conservatoire, etc.) pourront être compris dans les taux d’encadrement, réduisant d’autant les équipes d’animation.
Derrière cette incohérence, l’annonce d’une ambition éducative fondée sur des activités de qualité tout en affaiblissant l’encadrement permettant de réaliser ces objectifs, se cache une réponse à une revendication des collectivités.
A l’occasion de son 100e congrès en novembre 2017, l’Association des Maires de France demandait en effet clairement « la pérennité […] des normes d’encadrement allégées pour les collectivités désireuses de maintenir la semaine de quatre jours et demi », mais aussi « des modalités d’organisation plus souples pour les collectivités souhaitant organiser un accueil le mercredi ». Elle précisait sa demande en mentionnant que « près des trois quarts des collectivités (72 %) seraient intéressés par une extension sur le temps du mercredi, devenu extrascolaire [sic], des normes d’encadrement allégées appliquées aux ALSH ».
Une demande émise par des employeurs préoccupés essentiellement par les aspects financiers du fonctionnement des structures, au détriment de la qualité de l’encadrement des publics et des conditions de travail des salariés. Le gouvernement a entendu cette demande. Dans une interview accordée au Journal de l’Animation (n° 184, décembre 2017), Jean-Benoît Dujol (DJEPVA) évoquant le « plan mercredi »,confiait déjà que « les communes qui présenteront un PEDT incluant les activités du mercredi dans le cadre d’un accueil collectif de mineurs pourront bénéficier d’adaptations conférées par l’existence de ce dernier au plus grand avantage [sic] des enfants et des familles ».
Tous les acteurs réellement au fait des réalités du métier d’animateur savent que le fonctionnement d’un ACM – proposant qui plus est le type d’activités proposées par le ministre pour son plan mercredi – est impossible avec de tels taux d’encadrement. Ce que l’expérience des TAP a également montré. Une promenade à vélo sur une demi-journée, telle que proposée dans la fiche n° 3 du dossier de présentation du plan, est-elle concevable avec 36 enfants de plus de six ans encadrés seulement par deux animateurs ? D’autant que la tendance des employeurs est de considérer les taux, conçus comme un plancher sous lequel il ne faut pas descendre, comme un plafond à ne pas dépasser. Combien de structures fonctionnent ainsi en flux tendu, incapables de faire face au moindre imprévu et jouant intentionnellement avec la sécurité des enfants ?
En réalité, les taux d’encadrement prévus dans le cadre du « plan mercredi » ne permettent pas de faire autre chose que de la garderie et non des « activités de grande qualité », quelle que soit la compétence des animateurs et des intervenants. Une compétence trop souvent négligée, comme celle des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem), très sollicitées, en général malgré elles et sans formation dans l’animation, pour la mise en œuvre des TAP et mobilisées depuis le 16 avril pour demander la satisfaction de leurs revendications en matière de salaire et de conditions de travail.
Quant aux PEDT, leur existence ne justifie en rien une plus faible présence d’encadrants auprès des enfants. Cela n’a tout simplement rien à voir. L’affaiblissement des taux d’encadrement est une récompense donnée aux collectivités en échange de leur mise en place.
Enfin, alors que le choix d’un nombre croissant de communes d’une organisation du temps scolaire sur quatre jours a pour conséquence une énorme destruction d’emplois d’animateurs, le « plan mercredi » n’apporte aucune réponse aux inquiétudes des salariés du secteur, se contentant de demander aux collectivités de « veill[er], dans la mesure du possible, à la stabilité de l’équipe d’animation ». C’est pour le moins un peu faible face à la précarité massive qui caractérise le secteur.
EPA n’accepte pas ce nouvel assouplissement des taux d’encadrement, que rien ne justifie et qui est même contraire aux ambitions proclamées du « plan mercredi ». C’est une pente dangereuse qui permettra à terme son extension à l’ensemble des ACM, au détriment de la qualité de leur action éducative, des conditions de travail des animateurs et du bien-être et de la sécurité des enfants. Il n’est pas possible de faire mieux avec moins.
EPA demande, pour des ACM réellement ambitieux et de qualité :
– l’alignement des taux d’encadrement sur ceux des accueils extrascolaires et des séjours : 1/8 et
1/12, sans aucune possibilité d’y déroger et à l’exclusion des intervenants extérieurs ;
– la titularisation ou l’embauche en contrat pérenne des personnels nécessaires au fonctionnement
des accueils, municipaux comme associatifs ;
– la mise en place d’un plan de formation et de qualification professionnelle pour tous les salariés du secteur de l’animation.