La FSU s’est exprimée pour rappeler l’importance de l’investissement éducatif. Le défi démographique et aussi un défi démocratique.


Intervention de Jean-Marc CLERY – FSU

« Le rapport 2014 a voulu donner une place privilégiée aux actions menées par l’Etat dans le cadre de la mise en œuvre du Pacte d’avenir. Les données très factuelles qui en composent les différentes parties manquent en tous cas d’une réelle analyse des politiques menées sur la période. Dans la partie consacrée aux questions éducatives, le CESER a souligné à juste titre le caractère très succinct des éléments donnés.
Pourtant la période décrite par le rapport a de quoi retenir l’attention car celle-ci a constitué une véritable croisée des chemins pour la politique gouvernementale.

Au plan national la politique éducative est marquée tout d’abord par la poursuite de la crise du recrutement des enseignants. L’objectif des 54 000 postes supplémentaires affiché par la Loi de refondation s’en trouve sérieusement hypothéqué. Désormais pour y parvenir il faudrait créer plus de 11 000 postes par an d’ici à 2017, or le ministère n’en annonce que 8 000 au budget 2016. Le refus de mettre en place un véritable plan de recrutement pluriannuel appuyé sur des pré-recrutements, et la reconstruction chaotique de la formation des maîtres sont sans doute la cause principale de cet échec. Cette panne du recrutement pèse d’autant plus fortement sur l’encadrement des élèves que le contexte national est à la croissance démographique.

Concernant le premier degré, la généralisation des nouveaux rythmes scolaires a également marqué la période. Au terme de leur mise en place très débattue et extrêmement contrastée sur le terrain, force est de constater qu’on est loin de l’objectif affiché d’amélioration de la réussite des élèves. Rien d’étonnant à cela. Comme la FSU n’a cessé de le dire, la question du temps scolaire, pour importante qu’elle soit, n’est qu’un aspect qu’il faut penser en relation avec celle des contenus et des programmes, mais également de l’organisation de l’école et, par la même, du métier et du temps de travail des enseignants.

Refusant de s’y confronter, le ministère a reporté l’essentiel de la réforme au niveau local, ouvrant ainsi à tout un éventail de situations, variant notamment en fonction des relations établies entre les collectivités et les écoles. Les différents choix d’organisation ont profondément pesé sur le travail des équipes mais aussi dans les relations des familles à l’école. De tout cela, le rapport ne dit rien. Il ne dit rien non plus sur le fait que le réseau privé, entré inégalement dans cette réforme, a pu en tirer avantage.

Le rapport évoque tout aussi succinctement l’éducation prioritaire – passant d’ailleurs sous silence un point pourtant positif, l’abandon de la logique des réseaux « Eclair » que le gouvernement précédent avait placés hors du droit commun. Mais la mise en place de la nouvelle carte de l’éducation prioritaire souffre de deux insuffisances : elle ne s’est pas accompagnée d’une réflexion sur la reconstruction possible de la carte scolaire mise à mal depuis des années, et surtout elle s’est faite à moyens constants alors qu’il aurait fallu en élargir le périmètre, notamment en direction des lycées professionnels.

En Bretagne la mise en place du réseau des REP a parfois suscité l’incompréhension dans les collèges « sortis » du réseau, comme le collège Kérichen à Brest, ainsi que dans les écoles situées dans le secteur de ces collèges. Ceci d’autant plus que n’a jamais été explicitée la manière dont ont été pondérés les différents critères présidant aux arbitrages.
Est-ce parce que ces différents chantiers ouverts en 2013 et 2014 ont marqué le pas que le ministère s’est engagé dans une réforme du collège tournant le dos à la question, pourtant centrale des effectifs et des moyens, et s’enfermant dans un discours largement contesté sur les pratiques des enseignants ?

Concernant les moyens accordés à l’académie, si le rapport parvient à se féliciter d’une amélioration de la situation dans le réseau public, c’est en se plaçant au point de vue de Sirius ! Le CESER a souligné à juste titre que le taux d’encadrement dans les écoles publiques d’Ille-et-Vilaine reste l’un des plus faibles de France. Ajoutons que, depuis 2013, en moyens cumulés, ce département a pourtant concentré la quasi-totalité des 146 emplois créés dans les écoles publiques de l’académie, pendant que le Morbihan n’en a gagné qu’une dizaine et que le Finistère et les Côtes d’Armor en ont perdu quinze à eux deux. Les déséquilibres territoriaux sont constatés, mais comme la dotation est absorbée presque totalement par la pression démographique, la situation n’est pas substantiellement améliorée, ni en Ille-et-Vilaine ni ailleurs.

Le taux de scolarisation des moins de trois ans, également jugé satisfaisant par le rapport, masque la réalité du terrain et surtout les effets du refus de comptabiliser les enfants de deux ans. Les écoles se trouvent mises devant un choix inacceptable : ou bien répondre à toutes les demandes, quitte à dégrader leurs conditions d’accueil, ou bien refuser des tout-petits pour préserver la qualité nécessaire à l’accueil, au risque de laisser les familles se diriger vers le réseau privé.

Dans le second degré public la situation est aujourd’hui à la limite de la rupture. Sur ces trois dernières années, l’académie a bénéficié en moyenne de 120 emplois supplémentaires pour les lycées et les collèges publics. Mais dans le même temps, ce sont 5 600 élèves de plus qui sont arrivés dans les lycées et collèges publics bretons, contre approximativement 2 000 dans le privé. Un peu partout dans les lycées publics les classes sont surchargées, et les difficultés d’inscriptions chaque année plus nombreuses. Des familles sont laissés sans solution jusqu’au milieu de l’été et certaines optent alors pour le privé. En l’occurrence la responsabilité est largement partagée ici, entre l’Etat qui ne met pas les moyens d’encadrement nécessaires, et la Région qui n’a pas su prendre toute la mesure des évolutions démographiques en Bretagne.

Ce constat de saturation peut être fait tout autant au niveau de l’enseignement supérieur, lui aussi pratiquement absent du rapport d’activité de l’Etat. Le 17 septembre, le Président de la République a marqué son souhait d’un élargissement de l’accès à l’enseignement supérieur tout en déplorant le fait qu’aujourd’hui seulement 42% d’une classe d’âge accède à un diplôme du supérieur. Mais pour atteindre un tel objectif, encore faudrait-il sortir les universités de l’asphyxie financière dans laquelle elles se trouvent aujourd’hui, et leur donner réellement les moyens d’accueillir et d’accompagner tous les jeunes qui arrivent aujourd’hui dans le premier cycle universitaire.

Concentré presque exclusivement sur la compétitivité des territoires et entièrement absorbé par le souci de donner des gages de soutien aux « acteurs économiques », ce rapport d’activité est singulièrement à l’image d’une politique générale qui est en train de manquer son objectif prioritaire de donner toute ses chances à la jeunesse. »