INTERVENTION de M. Jean-Luc LE GUELLEC
Le rapport qui nous est présenté, est très riche. Il nous propose un état très complet de la situation de nos deux langues à ce jour, les conditions de leur développement et les perspectives et objectifs du Conseil régional pour les années à venir.
Nous avons nous-mêmes organisé un stage syndical de 2 jours à Brasparts en octobre dernier, dont le thème était « Le breton a un avenir » et qui a rassemblé une soixantaine de collègues.
Nous avions convié les représentants de l’Office public de la langue bretonne, ce qui a permis des échanges riches avec les collègues présents. Ce stage nous a permis d’actualiser nos propositions. Nous ferons parvenir aux membres du CESER et aux élus régionaux les actes de ce stage.
Cette intervention va porter essentiellement sur l’enseignement bilingue et optionnel même si nous sommes convaincus que l’enseignement ne peut pas à lui seul sauver nos langues et qu’il est nécessaire d’avoir une action publique dans tous les domaines.
Nous partageons les constats et l’analyse des difficultés concernant le développement de la filière bilingue dans le service public d’éducation notamment le passage CM2-6ème, le passage 3ème -2de et la nécessité de revoir la politique des pôles. Les constats sont contrastés mais aussi encourageants puisque nous avons passé le seuil des 14 000 élèves scolarisés dans une filière bilingue à la dernière rentrée (tous réseaux confondus).
Quelques propositions (déjà développés par la FSU lors de groupes de travail convoqués par le Rectorat sur le rapport Broudic) qui convergent avec les engagements proposés par la région :
Enseignement bilingue :
Le développement de l’enseignement bilingue passe par deux leviers dans le premier degré : d’une part la création de nouveaux sites, d’autre part la consolidation de l’existant. Nous souhaitons que l’un ne devienne pas concurrentiel de l’autre dans un contexte de pénurie à la fois de postes et de personnels formés. Rejoignant la préoccupation décrite dans l’engagement N°11, nous pensons que la prise en compte des enfants de moins de trois ans dans l’effectif est incontournable tant du point de vue quantitatif que du point de vue de la qualité des apprentissages dans le cadre d’un bilinguisme précoce.
La FSU a toujours été critique sur la « politique des pôles » telle que mise en œuvre par le Rectorat et nous partageons les préoccupations et les préconisations évoquées dans ce rapport. La conception descendante de ces pôles par le rectorat à partir de lycées choisis a priori vers les écoles – via des « collèges pôles » – bute sur la réalité des situations : distances importantes, transports insuffisants (quand les Conseils généraux les mettent en place), pôles pour lesquels la démarche de dérogation est nécessaire… Concernant les ouvertures de nouveaux sites, nous demandons nous aussi avec insistance des seuils prenant mieux en compte la réalité démographique locale ou la taille des écoles/collèges.
Nous pensons qu’il est nécessaire de s’inscrire dans la durée. La construction de la demande d’ouverture est longue (18 mois). Il faut permettre aux familles de s’inscrire dans ce temps. Il faut aussi doter les établissements d’outils pour que la mémoire des demandes d’ouverture se conserve et que tout ne soit pas à recommencer à zéro chaque année. Plus généralement, nous pensons qu’il faut rompre avec la « politique de la demande » qui épuise les familles et les enseignants transformés en VRP du breton et mettre en place une programmation de l’offre. La structuration de l’offre doit prendre en compte les territoires de vie. L’OFIS doit avoir un rôle essentiel dans ce processus.
Il est impératif d’institutionnaliser la liaison CM2/6ème, fragilisée par les difficultés qui se présentent aux familles déjà évoquées ci-dessus. J’ajouterai aussi l’interrogation d’un certain nombre de familles quant à la pertinence de poursuivre en filière bilingue.
Pour la FSU, cette liaison n’a pas à être portée par les seuls enseignants ou directeurs et Chefs d’établissement volontaires. La démarche en direction des chefs d’établissements et directions d’école, doit provenir de l’institution , établir un cadre clair et mettre à disposition des outils pertinents. Evidemment, l’Ofis a aussi un rôle à jouer en matière d’information et de conviction.
Enseignement d’initiation et optionnel qui concerne le breton et le gallo :
Nous pensons qu’il faut effectivement valoriser cet enseignement en veillant aux cohérences tant au niveau de l’articulation entre les cycles, de la maternelle au secondaire, qu’au niveau des territoires. L’entrée dans la pratique des langues régionales est toujours le fruit d’une histoire complexe et jamais univoque : nombre d’enseignants du/en breton aujourd’hui ne sont pas passés par le bilingue, mais par l’option. C’est peut-être à ce niveau que l’engagement pour une offre d’accès généralisée (§ I.1.1.3) à la langue pourrait prendre du sens pour le plus grand nombre. Pourquoi pas une expérimentation ciblée sur un secteur de Collège ? Eventuellement il est possible de faire appel au volontariat de collègues du second degré dont le service en breton serait incomplet, pour intervenir dans le premier degré, bien sûr sous réserve de formation.
Dans tous les cas, il faudra s’assurer que ces expériences soient comprises par tous et qu’elles ne soient pas imposées « d’en haut » aux enseignants.
La complémentarité des réseaux est souvent mise en avant pour ne pas ouvrir une nouvelle filière ou une nouvelle option ; pour la FSU on doit permettre au service public d’assurer en priorité sa mission.
Si nous voulons développer l’enseignement bilingue et l’enseignement optionnel, il faut recruter des enseignants, les former et assurer une vraie formation continue à tous ceux qui sont en poste.
Le développement qualitatif de l’enseignement bilingue doit aller de pair avec le développement quantitatif.
Avec les bourses Skoazell, le Conseil régional s’engage déjà beaucoup pour remédier à l’insuffisance du vivier et augmenter le niveau de compétence des candidats en langue mais aussi dans les autres disciplines. L’engagement de l’Etat n’est pas à la hauteur, ni en matière de recrutement ni en matière de formation initiale et continue des enseignants. Le nombre de postes au CAPES de breton (2 par an) est insuffisant pour répondre aux besoins.
Le développement de l’enseignement bilingue et optionnel est aussi victime de la RGPP.
Malgré tout, le Rectorat lors des « Groupes de Travail Broudic » a été attentif à nos propositions de former des collègues monolingues, volontaires pour l’enseignement bilingue.
De plus, les enseignants doivent pouvoir disposer d’outils et de matériel pédagogique, nous partageons le diagnostic et les propositions concernant TES.
Enfin, pourquoi ne pas favoriser aussi des initiatives pédagogiques inter-régions (voyages -échanges, échanges internet,….)
A propos de l’engagement 7 « Obtenir le transfert de la gestion de la carte scolaire pour l’enseignement bilingue à titre expérimental », la FSU rappelle qu’elle n’est pas favorable à un transfert des personnels enseignants aux régions. Mais si nous avons bien lu, ce n’est pas ce que la région demande. Si l’Etat accordait ce droit, nous souhaitons qu’une évaluation de l’expérimentation soit faite et que nous puissions donner notre point de vue.