Conséquence de la réforme territoriale et de la recomposition de la carte des Régions, le gouvernement a engagé un projet « d’adaptation » générale des CESER à partir du 1er janvier 2016. Au terme d’une période transitoire encore mal définie, on devrait assister à des conséquences importantes quant au nombre des conseillers dans les futurs « nouveaux CESER », mais aussi quant à la composition et aux missions des CESER.

Vous lirez ci-dessous l’intervention de Jean-Marc Cléry pour la FSU.

« Pour la FSU, un débat sur les évolutions possibles d’une instance telle que le CESER est une bonne chose. Il est toujours intéressant pour une assemblée de se pencher, à la lumière de l’expérience acquise, sur ses missions ou son fonctionnement pour réfléchir à des améliorations possibles. Chacun peut faire des propositions, et la FSU ne manquera pas d’en faire ici quelques unes.

Le problème est que cette réflexion est imposée aujourd’hui du fait de la mise en place de la nouvelle carte des régions au 1er janvier prochain, et que les termes semblent en être d’ores et déjà posés par la ministre Mme Lebranchu : les évolutions sont à envisager dans la perspective d’une « adaptation » du nombre des membres des CESER et de la représentation paritaire, c’est-à-dire d’une réduction du « poids » des CESER.

Dans les régions concernées par les fusions, il sera bien difficile aux CESER d’imaginer des pistes pour améliorer leur activité alors qu’à terme, c’est une forte réduction du nombre de leurs conseillers qui les attend ; d’autant que, dans l’immédiat, avec la période transitoire qui s’annonce, leur fonctionnement sera rendu très compliqué, notamment du fait d’un éloignement géographique accru.

Ce n’est pas le moindre des paradoxes de cette réforme territoriale affichant la volonté de « territorialisation » accrue des politiques censées « se rapprocher des citoyens », que d’envisager en même temps de réduire la part de ce qu’il convient d’appeler les représentants de la « société civile » qui apportent pourtant une connaissance fine de la réalité et de la diversité des territoires.

Dans les régions qui, comme la nôtre, ne sont pas concernées par la recomposition de la carte, la question de la présence au sein des CESER de toutes ses composantes actuelles se trouve également posée. Pour la FSU, quelles que soient les solutions qui seront trouvées, en tous les cas, les évolutions envisagées ne doivent pas conduire à écarter du CESER des composantes de la représentation des salariés.

Au-delà de leur dimension et de leur composition future, la réflexion sur l’avenir des CESER doit porter sur leurs missions. Il est question de faire évoluer celles-ci davantage vers l’évaluation des politiques publiques. Mais de quel type d’évaluation s’agira-t-il ? D’une évaluation globale, à la fois quantitative et qualitative, permettant d’en discuter les orientations ? ou bien seulement d’une évaluation « technocratique » de leur réalisation à coup « d’indicateurs » ?

Actuellement le CESER procède déjà, partiellement, à l’évaluation des politiques régionales en émettant des préconisations sur le rapport d’activité par programmes (RAP) de la région. Cela ne va d’ailleurs pas sans poser déjà quelques problèmes. D’abord en raison du manque de temps pour procéder à cet examen ; mais aussi parce que celui-ci se limite à vérifier la réalisation des politiques engagées, voire à en critiquer les indicateurs, mais sans toutefois se pencher sur le fond, à savoir les orientations de ces politiques.

Or, les désaccords quant aux politiques à mener ou aux orientations à suivre ne manquent pas, et ils sont importants. Comment, en cas de désaccord sur les objectifs, déterminer des « critères partagés » permettant d’évaluer « l’efficacité » de ces politiques ? Et surtout qui en décidera, et par quel processus ?

Orienter davantage l’activité des CESER vers l’évaluation des politiques en l’étendant à l’ensemble des politiques publiques en région – y compris celle de l’Etat et des collectivités – risque de nous conduire à délaisser le travail d’analyse critique des politiques que nous effectuons au travers de nos avis et des études dont nous nous saisissons, pour nous enfermer dans une fonction exclusivement technocratique – ce dont nous n’aurions d’ailleurs pas les moyens, puisque l’heure est à la réduction du nombre des conseillers.

Pour la FSU, le CESER doit continuer à être une instance où émergent des positionnements divers au travers des études dont l’instruction se fait sur un temps autre que le temps court qui est celui d’un exécutif. Cette activité doit pouvoir se poursuivre, mais elle doit aussi pouvoir être améliorée, et éventuellement renforcée. Ainsi, en ce qui concerne la portée des avis émis par le CESER : trop souvent celui-ci est amené à déplorer que telles critiques ou préconisations sont faites pour la nième fois, ou encore à interroger sur les suites données par l’exécutif régional à un dossier pourtant mis à l’étude de longue date (par exemple, le bilan de l’expérimentation menée par la région sur la maintenance informatique). Pourquoi alors ne pas envisager une obligation impérative imposant à l’exécutif régional d’apporter une réponse lorsque le CESER émet des préconisations – soit pour préciser comment celles-ci seront prises en compte, soit pour dire pourquoi tel ou tel avis émis n’a pas été retenu – ?

Pour un CESER davantage à l’image de la société, un certain nombre d’améliorations pourraient aussi être envisagées en matière de fonctionnement ou de représentation. A ce titre on ne peut qu’acquiescer à l’exigence que pose la loi d’août 2014 d’un effort supplémentaire à faire en direction de la parité hommes-femmes. Mais il faut travailler aussi pour améliorer davantage la présence de jeunes conseillers au sein des différents collèges.

En matière de fonctionnement, nous proposons aussi de faire apparaître, sous des conditions à définir, les « opinions divergentes » – « dissidentes » – manifestées durant la production des études dont le CESER se saisit : si, sur une question donnée, deux ou plusieurs options contradictoires se sont présentées et ont été débattues, pourquoi le texte de l’étude ne pourrait-il pas en rendre compte, au moins en le signalant brièvement ?
Cette proposition rompt peut-être un peu avec la « culture du consensus » qui caractérise l’activité des CESER, mais elle aurait le mérite de rendre davantage compte de la réalité de nos débats et des approches différentes qui se manifestent. Proposition qu’on pourrait élargir aussi, par exemple en permettant, sous certaines conditions, des échanges plus directs entre les intervenants lors des séances du plénier.

Pour finir, il serait intéressant de réfléchir aux moyens de donner une plus grande publicité aux travaux du CESER, notamment auprès des jeunes, lycéens et étudiants. Mais pourquoi ne pas aller plus loin et pourquoi ne pas tenter, par exemple de reprendre à notre compte sur certains dossiers certaines expériences déjà menées de conférences de citoyens ?

Beaucoup d’analystes de nos démocraties pointent l’éloignement et la défiance accrue des citoyens à l’égard de la représentation politique, mais c’est pour souligner en même temps la forte demande citoyenne de participation à l’élaboration de la décision. Instance originale au sein d’une collectivité territoriale qui veut jouer la carte de la proximité avec les citoyens, le CESER peut sans doute jouer un rôle d’éclaireur en la matière. »