Après différents rapports anticipant les effets de la réforme territoriale, le CESER a souhaité se pencher sur différents exemples de coopération territoriale dans le cadre d’un groupe de travail. Objectif : tirer quelques enseignements mais aussi faire des recommandations pour une dynamique territoriale.
La FSU a retenu l’exigence d’associer les personnels des CT et les citoyens à tout processus d’évolution dans les CT. Mais elle a souligné, en présence du Pdt de région, combien le processus même de réforme territoriale a été éloigné des ces exigences.
Intervention de Jean-Marc Cléry
« La FSU tient à souligner tout d’abord l’intérêt de ce rapport, à la fois synthétique et riche d ‘exemples très divers. Il est en tous cas bien venu de poser dès maintenant un certain nombre d’analyses sur un paysage institutionnel que les récentes lois de réforme territoriale ont passablement embrouillé.
On saluera la volonté marquée de faire droit au principe de solidarité et d’amélioration de la cohésion sociale à côté de celui d’efficacité au plan territorial. L’autre mérite de ce rapport est de mettre en évidence l’importance du « facteur temps » pour des projets réellement partagés – ce dont plusieurs exemples cités attestent – mais aussi pour bâtir une véritable perspective politique à ces projets. Comme le rapport le souligne, une coopération, une mutualisation ou une fusion, ne sont jamais que des moyens.
La FSU ne peut qu’être satisfaite également lorsqu’il est dit que toute réflexion engagée sur l’avenir des collectivités devrait impérativement associer les citoyens, mais aussi, les agents publics de ces collectivités, parce qu’ils sont les premiers concernés, et parce qu’ils détiennent l’expertise professionnelle et la connaissance fine du terrain. C’est exactement ce qu’elle avait défendu, ici même, en octobre 2014.
Pour autant, force est de constater que, dans la réalité, la mise en œuvre de la réforme territoriale a été très éloignée de ces principes. De MAPTAM à NOTRe, les lois qui ont engagé la réforme territoriale ont délibérément laissé les citoyens à l’écart du débat – le mécano technocratique a été préféré à la construction démocratique. Difficile alors pour le citoyen de voir des gains démocratiques dans ce qui lui apparaît comme imposé d’en-haut, et difficile pour lui de s’y repérer, de savoir qui fait ou fera quoi – mais avec la conviction toutefois que dans la plupart des cas cette réorganisation territoriale signifiera pour lui moins de présence des Services publics sur son territoire.
Pour les agents, la perspective des redistributions de compétences entre collectivités et des différentes possibilités de délégations a été génératrice d’anxiété. Le renforcement des intercommunalités qui favorise la mutualisation des services a surtout un impact sur les équipes, sur les métiers et sur la mobilité des personnels. Or au mieux, ceux-ci sont associés à la mise en œuvre de ces nouvelles modalités, donc en aval de décisions déjà prises ; une véritable consultation supposerait bien davantage.
A rebours de ce que le rapport préconise, c’est bien l’impératif « d’efficience », dans ce qu’il a de plus technocratique, qui a présidé à la réforme territoriale. Le rapport admet au passage que la contrainte financière est ce qui pousse les collectivités aux réorganisations en cours. C’est encore trop peu dire. En réalité la finalité du processus de réorganisation ne semble pas tant être d’amener les collectivités locales à « optimiser » leur action, que de les contraindre purement et simplement, comme l’Etat avant elles, à réduire leur périmètre d’intervention au nom du dogme de la réduction des dépenses publiques !
Il y a donc un peu de candeur à regretter la précipitation avec laquelle les collectivités s’engagent dans ces réorganisations, puisque, à l’évidence, on a affaire à une « stratégie du choc » délibérée qui a fait du chantage à la baisse des dotations la principale incitation au changement.
On se demande alors si les exemples positifs de construction de coopérations locales ou de rapprochements que donne ce rapport ne se sont pas faits, non pas grâce, mais plutôt malgré le cadre imposé par les lois de réforme territoriale.
Le rapport aurait pu se pencher aussi d’un peu plus près sur le cas des fusions de communes qui se sont développées à la suite de la Loi du 16 mars 2015 qui a relancé la Loi « Commune nouvelle » de 2010. Bien que distincte du processus enclenché par les lois portant réforme territoriale, l’incitation à la fusion de communes s’inscrit néanmoins dans la même tendance.
Encore limité (sur toute la France seulement 300 projets de fusions, concernant un peu plus de 900 communes, ont vu le jour en janvier, soit moins de 3% du total), le processus semble toutefois s’accélérer lui aussi ; et il interroge les citoyens fortement attachés à leurs communes.
En Bretagne, 13 projets de communes nouvelles ont abouti au 1er janvier dernier, sur plus d’une vingtaine de projets annoncés au départ. Il serait sans doute intéressant d’analyser les causes d’échec. Au-delà du regard quelque peu condescendant de la presse qui a surtout mis en avant des « querelles de clochers », de véritables questions se sont posées quant à l’impact de ces fusions sur les moyens dont disposeront, à terme, les communes nouvelles une fois passée la période de « sursis » qui maintiendra leur DGF.
La question du maintien des écoles publiques dans les communes préoccupe également, dans un contexte très défavorable aux petites écoles. En effet, nul n’ignore qu’après l’offensive menée par le Ministère sous Luc Chatel, la chasse aux petites écoles, voire aux petits collèges publics, a malheureusement repris ! Or les fusions ou les regroupements d’écoles que les inspections académiques cherchent à imposer actuellement débouchent souvent, au final, sur des suppressions de classes ; au risque de déstabiliser parfois toute une école, on en a eu de récents exemples dans les Côtes d’Armor.
Là aussi, il est difficile de faire croire aux citoyens que l’on fera mieux l’école avec moins d’écoles ! Pourtant les directions académiques cherchent par tous les moyens à disqualifier l’apport des petites écoles ou des petits collèges ruraux, arguant de leur « faible ambition scolaire », cela au mépris total de l’investissement des équipes pédagogiques et de la volonté des enfants et de leurs familles !
Les Conférences Territoriales de l’Action Publique parviendront-elles, dans ce contexte, à faire émerger une meilleure coordination entre les collectivités et les différents niveaux d’intervention ? C’est possible, notamment dans les Régions où les habitudes d’échange et de coopération sont déjà bien ancrées. Assemblées d’élus des différentes collectivités, les CTAP ne suffiront toutefois pas, en tous cas pas à elles seules, à combler le déficit démocratique dont la réforme territoriale s’est accompagnée.
Par contre, il n’est vraiment pas sûr que la contrainte que la réduction des dotations d’État fait peser sur toutes les collectivités sera un élément fédérateur. Elle pourrait tout aussi bien amener chacune d’entre elles à se replier davantage sur ses intérêts, et sur son « noyau dur » d’interventions. C’est pourquoi on reste un peu dubitatif devant les perspectives que la Région assure voir dans les échanges futurs au sein de la CTAP pour dégager des marges permettant de faire face aux défis budgétaires dans les années à venir. »