Intervention de Jean Luc LE GUELLEC – FSU –
Les intentions du schéma ESR breton concernant l’accès des jeunes de la région aux études supérieures sont louables et convergent avec les préoccupations de la FSU. La lutte contre tous les déterminismes sociaux et toutes les inégalités est en effet une nécessité si nous voulons faire un pas en avant dans la démocratisation de l’enseignement supérieur. Les bons taux de réussite aux baccalauréats en Bretagne ont trop longtemps masqué la stagnation, depuis près de vingt ans, de l’accès aux voies générales et la moindre proportion en Bretagne (comparativement à la moyenne nationale) des jeunes des milieux défavorisés accédant à ces séries. La FSU se retrouve donc dans la proposition de renforcer l’accès des jeunes bretons à la voie générale. Cet objectif n’est pas contradictoire avec la nécessaire consolidation de la voie professionnelle sous statut scolaire, ni avec le développement des voies technologiques tant mises à mal par les réformes successives.
Les jeunes qui ne développent pas d’appétit pour les formations du supérieur sont souvent ceux qui sortent trop fragiles du lycée ayant obtenu leur baccalauréat de justesse. Il convient donc de mettre en place des modules spécifiques pour ces jeunes en particulier ceux issus des voies technologiques et professionnelles. Il faut mettre des moyens pour cette pédagogie « en petit groupe » seule à même de réconcilier ces jeunes avec l’université. La proposition de favoriser les passerelles entre formation du supérieur est, aussi, une bonne proposition. En amont, les expériences de « partenariat » entre des lycées et des établissements du supérieur peuvent être intéressantes sous la réserve qu’il ne s’agisse pas de constituer un public « captif » avec l’octroi d’UV aux lycéens uniquement « validables » dans l’établissement partenaire.
Par ailleurs, l’idée de favoriser l’accès des bacheliers technologiques aux IUT est juste mais le faire autoritairement par un système de « quotas » empêchant certains bacheliers généraux d’y avoir accès peut avoir des effets pervers.
Au niveau de la recherche, la FSU continuera à soutenir tout ce qui va dans le sens d’un renforcement des coopérations et, dans le schéma proposé, l’idée de consolider et d’étendre les coopérations au sein de la région est bien présente. Malheureusement, la rhétorique de la compétitivité, de l’entreprenariat et de l’excellence, issue de la « stratégie de Lisbonne », n’aide pas à sortir de la logique concurrentielle. Dans le cadre de la recherche appliquée, la FSU n’a aucune réticence pour des partenariats avec les entreprises, surtout avec les PME, mais elle ne peut qu’alerter sur les dangers d’une soumission de l’ensemble de la recherche aux seules exigences de la compétition économique. Concernant les sciences humaines et sociales, elles ont bien leur place dans le schéma avec des propositions comme « une recherche décloisonnée en réponse aux enjeux sociétaux » ou « une recherche ancrée sur le territoire régional » mais la FSU reste inquiète quant au risque de marginalisation des SHS.
Chacun comprendra l’importance, pour la FSU, de la création d’une école supérieure du professorat et de l’éducation (ESPE). Aujourd’hui, la situation est extrêmement chaotique, la formation des enseignants est éclatée en trois pôles (Est, Ouest et Sud), aux prises avec des difficultés de fonctionnement et d’organisation insurmontables. Nous avons là, pourtant, une opportunité pour reconstruire une formation des enseignants digne de ce nom. La FSU ne pourrait accepter que la situation actuelle perdure. La loi a décidé le rattachement de l’ESPE à la communauté universitaire d’établissements (CUE). Il est indispensable que l’ESPE soit structurée avec des moyens pérennes et un mode de gestion démocratique ce qui veut dire avec une représentation des personnels et des usagers dans les instances de direction.
La CUE est dénommée, préventivement par le schéma régional, « Université de Bretagne » avec, comme perspective, la création d’une « université fédérale de Bretagne pour mobiliser et dynamiser le système régional de l’enseignement supérieur et de la recherche ». Sauf à se raconter des histoires, cette démarche régionale entre en tension avec la logique métropolitaine, logique que la perspective annoncée de la fusion des Universités de Rennes 1 et de Rennes 2 a mise sur le devant de la scène. La FSU avec son syndicat le Snesup a participé à la réflexion sur la structuration du site rennais sans hostilité sur des rapprochements possibles entre les deux universités. Ce rapprochement peut prendre différentes formes juridiques, la fusion n’étant que l’une d’entre elles. Cette décision de fusion annoncée dans la précipitation contourne les nécessaires réflexions sur les modalités de mise en œuvre comme elle contourne l’indispensable consultation de la communauté universitaire (personnels et étudiants). La FSU n’ose pas imaginer que cette fusion rapide aurait comme objectif, uniquement tactique, de décrocher des financements liés au futur programme d’investissement d’avenir (IDEX). L’enseignement supérieur et la recherche en Bretagne méritent une autre ambition.
La FSU invite à ne pas balayer d’un revers de main les craintes de fusion forcée de formations ou de laboratoires, de fermetures de diplômes dans une logique de « rationalisation », de marginalisation des SHS et des langues dans le nouvel ensemble, de recul de la démocratie (un seul conseil c’est deux fois moins d’élus), de mutualisation des services avec perte d’emplois associée…
Nous sommes à un tournant, il est encore possible de ne pas retomber dans les errements du passé. Sachons prendre le temps du débat et de la consultation afin que rapprochements et coopérations se traduisent par l’émergence d’une cohérence renforcée de l’enseignement supérieur et de la recherche en Bretagne.