Entretien réalisé par Sylvie Ducatteau
Vendredi, 5 Février, 2016
L’Humanité

La Fédération syndicale unitaire achève vendredi soir son 8e congrès. Réélue secrétaire générale, Bernadette Groison attend du gouvernement des mesures concrètes.

Réuni depuis lundi au Mans, le 8e congrès de la FSU (Fédération syndicale unitaire) s’achève ce soir. Avec 80 % de ses adhérents issus du monde de l’éducation, les congressistes ont réaffirmé leur opposition à la réforme du collège. Mais la question des salaires est apparue comme l’urgence absolue. Bernadette Groison, qui conservera son poste de secrétaire générale, a d’ores et déjà prévenu qu’elle n’excluait pas une nouvelle mobilisation si le rendez-vous salarial prévu à la fin du mois avec le gouvernement tournait court.

Les salaires vont-ils continuer à être au cœur de vos mobilisations ?

Bernadette Groison Tout à fait. Les fonctionnaires, soumis au gel du point d’indice depuis dix ans, ont perdu l’équivalent de deux mois de salaire par an. 20 % d’entre eux sont rémunérés au Smic. 20 % sont précaires. Dans la fonction publique territoriale, les trois quarts des agents sont de catégorie C, soumis aux rémunérations les plus basses. Les enseignants français sont les plus mal payés d’Europe. Nous avons signé un protocole avec le gouvernement en contrepartie d’un rendez-vous salarial promis à la fin du mois de février. Mais la date n’est toujours pas fixée. Le congrès a averti donc très solennellement l’exécutif : nous n’accepterons pas de mesures symboliques. Il n’y a eu aucun grand rendez-vous entre le gouvernement et la fonction publique depuis le début de son mandat. C’est le moment pour Manuel Valls de prouver, puisqu’il le dit, « qu’il aime l’État et les fonctionnaires ».

Vous dénoncez une absence de projet pour la fonction publique. Cela concerne-t-il aussi l’éducation ?

Bernadette Groison Ce gouvernement, comme le précédent, s’en tient à une logique de baisse des dépenses publiques. Certes, quelques secteurs sont reconnus prioritaires mais la règle est la contrainte budgétaire. L’ensemble des services publics et la fonction publique devraient être remis sur le devant de la scène car ils sont au cœur de notre modèle social. Ils sont essentiels pour faire face aux enjeux de notre époque en matière d’éducation, de santé, de transition écologique. Cela représente des métiers, des qualifications à créer et aussi un projet de société. Les services publics sont les garants des principes républicains, à commencer par l’égalité. Nous aimerions que le gouvernement parle ainsi et prenne des mesures concrètes. Or, la récente réforme territoriale a été un rendez-vous manqué. Quant à la refondation de l’école, nous voyons arriver des mesures qui contredisent les grands principes de la loi, comme avec la réforme du collège.

Comment interprétez-vous la montée, y compris dans la fonction publique, des idées de rejet du Front national ?

Bernadette Groison La fonction publique ne vit pas en dehors de la société. Quand 30 % des électeurs votent pour le Front national et face à une offensive très forte des idéologies d’extrême droite, il n’y a pas d’îlots préservés. Néanmoins, les agents de la fonction publique, notamment ceux de l’éducation nationale, résistent plutôt mieux que d’autres secteurs, en particulier la police. Mais les discours anti-fonctionnaires qui ont prévalu durant des années et qui perdurent, les atteintes à leur travail provoquent un profond malaise. Difficile pour un fonctionnaire de travailler chaque jour au service du public, parfois dans des endroits difficiles, et de s’entendre dire sans arrêt qu’il ne sert à rien socialement, qu’il coûte cher… Le sentiment de déclassement est fort. Comment voulez-vous que ces agents, comme tout citoyen, ne doutent pas certains jours des politiques ? Au gouvernement de prendre des mesures convaincantes pour défendre le statut de la fonction publique.