Ci-dessous le texte de l’intervention de Jean-Marc Cléry pour la FSU au sujet des formations aux métiers de la mer. Les pistes de l’étude présentée sont intéressantes, mais il y aurait lieu de développer davantage les possibilités de formations au lycée et les passerelles pour le post-Bac.
Mais pour que ces métiers soient attractifs pour les jeunes, et notamment pour les jeunes femmes, il faudrait considérablement en améliorer les conditions d’exercice – c’est ce que la FSU a souligné.

Vous trouverez en annexe la synthèse de l’étude du CESER

Intervention de Jean-Marc CLERY – FSU

« Ce rapport du CESER consacré aux formations aux métiers de la mer est d’une grande richesse. Notamment, et ce n’est pas un moindre mérite de sa part, il présente avec clarté un état des lieux très complet des parcours de formation – initiale et continue – dans un domaine qui se caractérise par une très grande hétérogénéité. Pertinent et clair dans cet état des lieux, comme dans son diagnostic des situations problématiques, ce rapport trace ensuite un certain nombre de perspectives d’actions et de recommandations qui retiennent l’attention.

Ce rapport fait porter à juste titre l’accent sur la définition du périmètre des métiers de la mer, ce qui est essentiel en effet si l’on veut penser de manière prospective l’offre de formation. Ce faisant, il fait apparaître toute une économie maritime émergente autour de l’environnement dans son sens le plus large : gestion des fonds et des parcs marins, construction de parcs hydroliens offshore, protection du littoral, tourisme, plaisance, gestion et protection de la faune et de la flore marine, recherche…

Mais cette économie émergente ne doit pas être pensée uniquement dans son développement en termes d’offre prospective de formation de niveau II ou I ; car dans tous les domaines, l’apport de techniciens qualifiés de niveau II et III sera décisif. Or, actuellement, l’offre de formation maritime, pour ce qui est de l’enseignement secondaire et supérieur, notamment les premiers BTSM mis en place, intègre encore trop peu ces données prospectives. L’enseignement maritime secondaire pour sa part reste toujours centré autour de ses pôles historiques (pêche, commerce, mécanique navale et cultures marines) ; il ne s’ouvre que timidement à la plaisance, avec la création pour le Bac Pro de deux options « plaisance » seulement en France.

Au moment où le « Bac Pro 3 ans » a été imposé, la FSU avait déjà plaidé à ce moment-là pour que l’ensemble des cursus de la formation maritime soient repensés en totalité, du niveau V au niveau II (avec la création de BTSM) ; et également pour une plus grande diversification de l’offre de formation, notamment en ouvrant sur la nouvelle économie maritime liée à l’environnement. Elle n’a hélas pas été entendue.
Les premières classes des BTSM MASEN (« Maintenance des systèmes électro-navals ») et PGEM (« Pêche ») ont certes été créées à la rentrée 2014 à la satisfaction de la FSU qui avait beaucoup œuvré pour cela. La FSU s’est fortement investie dans les groupes de travail et de réflexion sur ces premiers BTS de l’enseignement maritime. Mais là encore, autre motif de déception et autre « erreur stratégique » selon nous de la part des autorités maritimes, ces premiers BTS ne peuvent délivrer aucun brevet de navigation. Les premiers étudiants inscrits dans ces classes de BTS s’interrogent maintenant avec inquiétude sur les passerelles existantes entre le BTS et l’entrée en 3ème année de l’ENSM.

La réforme de la filière B à l’ENSM avait justement pour objectif de formaliser et de clarifier ces passerelles. Or à ce jour, il ne semble pas que cette clarification ait été officiellement formalisée. Il y a pourtant vraiment urgence à le faire.

Cette étude du CESER permet en tous cas de rappeler, au travers du cas spécifique des formations maritimes, que la construction d’une carte des formations se joue aussi en termes d’aménagement du territoire. Or, force est de constater en l’espèce, que, malheureusement, l’implantation des formations de BTSM sur le littoral français ne s’est pas faite en partant d’une réelle réflexion sur les besoins des territoires ; pas plus qu’elle ne s’est appuyée sur les capacités techniques existantes dans les établissements, si on pense notamment aux investissements régionaux dans les simulateurs « pont » et « mécanique navale ».

De ce point de vue, il est bien regrettable que la Bretagne n’ait pas obtenu de classe de BTS PGEM, « Pêche », malgré la demande des professionnels, et alors même que la pêche bretonne représente plus de la moitié de l’activité du secteur au niveau national et que celle-ci reste pour notre région un secteur d’activité important, aussi bien en termes d’emplois directs qu’indirects… Là encore les choix qui ont été faits par les autorités nous semblent contestables, d’autant qu’historiquement – faut-il le rappeler ? – c’est le comité des pêches du Guilvinec qui a été le premier à revendiquer la création d’un BTS « Pêche » dès le début des années 2000.

S’agissant des actions susceptibles d’améliorer l’attractivité des métiers de la mer auprès des jeunes, et notamment concernant la pêche, on ne peut que souscrire à l’exigence soulignée dans cette étude qui est de conforter la qualité des emplois dans le secteur ; ce qui signifie agir sur les conditions d’exercice, les évolutions de carrière, et également les salaires. Pour ce secteur en effet, comme pour n’importe quel autre d’ailleurs, aucune « information sur les métiers » ni aucune « communication », si positives qu’elles soient, ne pourront amener durablement des jeunes à s’engager durablement si la réalité du métier est dégradée.

Pour autant, la FSU souscrit à l’idée de rendre plus lisibles les parcours de formation maritime. Elle réitère cependant ses réserves quant au projet de faire entrer sous le statut de « membre associé » dans le « service public régional d’orientation » (SPRO) toutes sortes d’associations « expertes » dans tel ou tel domaine – nous ne pouvons que le redire ici puisque le projet d’associer au SPRO l’association La Touline semble maintenu.

En matière de visibilité, on doit souligner les efforts notables faits ces dernières années par les autorités maritimes de la DIRM-NAMO pour une meilleure identification des métiers liés à la mer – efforts méritoires, mais qui restent insuffisants. Il reste encore beaucoup à faire, et il faut investir davantage dans le champ éducatif pour construire des outils de communication performants et adaptés aux réalités économiques et culturelles de notre région. A ce titre il est bien difficile de comprendre le choix qui a été fait par les autorités maritimes de ne pas inscrire les classes « MAN », classes de mise à niveau (dont celle de Paimpol), et les BTSM, dans le système de gestion des vœux de poursuite d’études « APB-admission-post-bac ». Cette décision n’est pas en cohérence avec la volonté d’ouverture la plus large vers les formations maritimes que préconise à juste titre le rapport du CESER.

Lors des négociations sur la rénovation de la voie professionnelle en 2009, la FSU avait proposé que soient créées dans les lycées maritimes des classes de 4ème et 3ème de collège avec un module spécifique de découverte et de connaissance des métiers de la mer. Cette proposition n’avait pas été retenue alors. Il conviendrait peut-être de la reconsidérer si l’on veut que les métiers liés à la mer, en particulier les métiers émergents, soient identifiés par des jeunes en amont du lycée, avec une meilleure lisibilité en termes de parcours de formation du niveau V aux niveaux III ou II.

L’enseignement maritime, secondaire et supérieur, doit disposer au plus vite des moyens de réussir le pari de la diversification et profiter de la richesse des perspectives issues du développement des énergies renouvelables et de la protection de l’environnement. A l’instar de l’enseignement agricole dans les années 80 – qui s’est ouvert sur les métiers du laboratoire, de l’environnement, de la maitrise de l’eau, de la gestion des espaces naturels, des services en milieu rural, de l’aménagement paysager – l’enseignement maritime, notamment en Bretagne, doit parvenir à s’ouvrir aux réalités économiques, sociales, et culturelles de notre temps et répondre ainsi aux besoins émergents des territoires et des populations, cela sans rien perdre son identité historique. »