A l’occasion du CESER du 11 juin, la FSU est intervenue sur le « Projet régional de santé pour la Bretagne » (PRS2) pour dénoncer les politiques de réduction des moyens et d’affaiblissement du périmètre du Service public de santé. Partout en Bretagne des élus font part de leur « malaise » face au PRS et certains soutiennent ouvertement les mobilisations citoyennes pour défendre les hôpitaux, les EHPAD et les maternités de proximité. La Région Bretagne fait également part de sérieuse réserves ; mais elle ne va pas jusqu’à dénoncer le PRS en raison du caractère positif de certains « engagements » qu’elle partage.

La FSU s’est appliquée dans son intervention à dissiper la poudre aux yeux de ces beaux « engagements », rappelant les décisions concrètes prises par l’ARS. Elle a enjoint la Région à dénoncer ce PRS et d’ouvrir le débat citoyen sur la santé en Bretagne.

Vous lirez ci-dessous le texte de l’intervention de Jean-Marc Cléry pour la FSU

Pour la FSU, l’avis émis par la Région sur le Projet régional de Santé pour la Bretagne (PRS) déçoit au regard des nombreuses observations critiques, fort justes, que celle-ci avait faites – tout comme déçoit l’avis du CESER qui développe une riche argumentation, mais dont l’appréciation d’ensemble du PRS, au final, ne se démarque guère de la prudente réserve de la Région.

Les objectifs exprimés dans le Cadre d’orientation stratégique (COS) – certes positifs sur le papier – ne trouvent en effet aucune traduction concrète dans le Schéma régional de Santé (SRS), et on peine à trouver les actions apportant des réponses aux enjeux environnementaux, sociaux, culturels et économiques marquant le quotidien des bretons. Or, pour émettre un avis autre que négatif sur ce PRS il faudrait au moins en avoir trouvé trace.

S’agissant de la construction même de ce Plan, il est également difficile de saluer l’exercice démocratique tant on a été loin de l’écoute directe de « l’usager-citoyen-acteur » pourtant censé être au cœur du dispositif. Quid, par exemple des contributions proposées par les différents collèges d’usagers dans les Conseils départementaux de la Citoyenneté et de l’Âge (CDCA) ? Quant aux conditions dans lesquelles, pour finir, les volumineux documents et annexes du PRS ont été soumis à examen pour avis, elles ont rarement permis de disposer du temps nécessaire pour l’analyse.

S’agissant de la prévention, la mention d’une nécessaire éducation à la santé pour permettre à chacun de contribuer positivement à la conservation et au développement de sa santé est certes bien venue. Seulement, à aucun moment n’ont été entendus les personnels les plus directement en charge de l’éducation à la santé, à savoir les infirmier.e.s conseiller.e.s de santé de l’Éducation nationale. Avec quelque 7800 infirmier.e.s dans les établissements scolaires en France, ce sont pourtant les premiers personnels de santé de proximité pour les jeunes. Or singulièrement, l’apport de cette mission quotidienne d’éducation et de prévention en milieu scolaire n’est jamais considéré. Plus grave, au lieu de renforcer ce réseau et de développer autonomie et expertise chez ces professionnels, la spécificité de leurs missions n’est pas respectée, et leur existence même au sein de l’Éducation nationale est aujourd’hui remises en question.

S’agissant de la priorité du Projet en direction des personnes âgées et de la prévention de la perte d’autonomie, celle-ci devrait être pensée en articulation avec l’ensemble de la problématique de prévention, car notre état de santé lorsque nous sommes plus âgés est la résultante de nos conditions de vie, de travail, et d’environnement au cours de la vie. Or les actions retenues ici ne semblent pas traduire une action volontariste sur les déterminants de santé.

Concernant les pertes d’autonomie développées ou aggravées par le vieillissement, on ne trouve pas non plus d’engagements pour éviter les différences de traitement suivant le lieu de résidence, les moyens des départements et leurs priorités sociales. Depuis des années la question pourtant cruciale de la prise en charge de la perte d’autonomie est systématiquement esquivée ou renvoyée à l’initiative privée, alors que la seule réponse sérieuse passe par la création d’une prestation générale et universelle avec un financement assuré par la solidarité nationale. Le PRS aurait pu, pour le moins, envisager de mettre à l’étude une possible convergence des dispositifs de compensation de la perte d’autonomie, qu’elle soit due à un handicap, à l’invalidité ou à l’âge, dans un souci d’équité. Tel n’est pas le cas.

S’agissant du handicap, aucune action volontariste n’est mentionnée concernant une évolution de l’offre médico-sociale nécessaire pour répondre aux besoins spécifiques des personnes handicapées, enfants et adultes, qui ne trouvent pas de réponse adaptée en milieu ordinaire. Les questions formulées par les représentants des usagers restent donc largement sans réponse.

Pour la FSU, si les actions annoncées par le PRS ne parviennent pas à formuler de vraies réponses aux enjeux de santé dans une logique de solidarité et de qualité, c’est que les questions essentielles ne sont pas abordées : c’est d’abord celle de la place des services publics en matière de santé, d’information, d’éducation ; c’est ensuite celle des moyens humains en personnels pour répondre aux besoins dans le respect des personnes ; c’est enfin celle des moyens financiers permettant d’assurer l’égalité territoriale.

Car au-delà de l’affichage, comment l’ARS Bretagne, avec les rôles financier et technique qui sont les siens pourrait-elle infléchir une politique nationale de santé qui fait aujourd’hui primer partout les objectifs budgétaires, provoquant ainsi la désorganisation du Service public de santé et la réduction de son périmètre d’action au bénéfice des structures privées ? Mais si elle le pouvait, l’ARS le voudrait-elle ?…

Partie prenante d’une stratégie nationale de restriction budgétaire appliquée à la santé au nom de la sacro-sainte « réduction de la dette publique », l’ARS entend se borner à une stricte logique de réorganisation et de gestion comptable de l’existant, évacuant systématiquement la question des besoins. L’annonce brutale il y a deux semaines de la transformation de la maternité du centre hospitalier de Guingamp en centre périnatal en fournit la dernière et claire illustration : une décision prise sans concertation préalable ni information au niveau des acteurs du territoire, et comme chaque fois, une justification après-coup au nom de la « sécurité des usagers » et arguant de la trop grande difficulté à recruter les praticiens.

Pourtant l’ARS ne pratique pas que le fatalisme ; et bien qu’elle assure ne pas promouvoir les regroupements de structures à marche forcée, elle est pourtant bien à l’initiative : c’est ainsi qu’au détour de la page 315 du SRS on découvre qu’un arrêté pris par la DG de l’ARS en décembre 2017 ouvre la possibilité d’une fusion des deux Groupement Hospitaliers de Territoires-GHT du Finistère (Brest-Carhaix-Morlaix et Quimper-Douarnenez-Pont-l’Abbé) alors qu’en avril dernier encore la DG soutenait le contraire.

Aujourd’hui, en Bretagne comme partout ailleurs on ne compte plus les établissements et les services pris dans ce mouvement infernal, et l’aggravation des difficultés d’accès aux soins s’accélère.

Pour la FSU, le CESER et surtout l’exécutif régional, ne peuvent pas s’en tenir à cet avis prudemment réservé. Actuellement plusieurs collectivités, communes, départements et régions françaises ont annoncé leur refus de valider leur Plan Régional de Santé au nom de l’exigence de réels moyens et d’une tout autre politique de santé, fondée sur le principe de la démocratie sanitaire, partant des besoins des personnes et des territoires, et favorisant la proximité et le maintien de tous les services.

Dans la région, les manifestations et les mobilisations locales pour défendre les EHPAD, les hôpitaux et les maternités de proximité sont nombreuses, fédérant toutes les forces d’un territoire comme l’a montré la manifestation du 26 mai dernier à Guingamp. Le 23 juin prochain, journée nationale d’action de la Convergence Service publics une manifestation régionale à l’appel du Collectif de défense des Services publics en Centre-Bretagne, d’élus et des syndicats CGT, CFDT, FO, FSU, Solidaires, et UNSA aura lieu à Guéméné-sur-Scorff, commune emblématique où, entre autres, l’EHPAD et l’hôpital sont menacés de fermeture.

En refusant de valider en l’état ce Projet régional de Santé pour la Bretagne (PRS), le Conseil régional donnerait à la société bretonne un signal fort invitant tout un chacun à se saisir de ce Projet et de ses enjeux. Et en proposant un cadre politique à cette réflexion, par exemple sous la forme d’une table-ronde régionale sur la politique de santé en Bretagne, il pourrait s’enorgueillir de lui en donner les moyens. Dans l’immédiat, très réservée sur tous ces avis bien trop réservés, la FSU s’abstiendra.