Vous trouverez ci-dessous le compte rendu fait par la délégation FSU qui n’engage pas le Conseil régional suivi des précisions données par Marie Pierre Rouger, vice présidente du conseil régional.

Compte rendu élaboré par la délégation FSU de l’audience du lundi 21 mars 2011 entre MP Rouger et des professeurs de STI accompagnés par Jean Marc Clery (secrétaire départemental du SNES 29 et Jean Luc Le Guellec (secrétaire régional de la FSU Bretagne).

Introduction de Jean Luc Le Guellec :

rappel des éléments de la réforme que conteste le SNES et la revendication d’un moratoire l’an prochain pour une complète remise à plat :

- refus d’une formation ‘’généraliste » qui tourne le dos à la démarche de mise en pratique appuyée sur des champs technologiques forts

- refus du tronc commun qui dénature complètement l’ancrage disciplinaire des enseignements techno.
Rappel du contexte particulier de l’académie où une mesure conservatoire a été décidée par le recteur sur les « mesures de carte scolaire » pour la prochaine rentrée. Le potentiel en enseignements des disciplines spécialisées existe encore. Dans d’autres académies, il sera déjà entamé à la rentrée (suppressions, reconversions en Techno collège, et autres…)

Questions centrales :

 

quels matériels et quelle mise en œuvre pour la rentrée face à cette réforme qui pose problème aux collègues ?

 

- soit on refuse tout investissement parce que la réforme est à rejeter ; mais pb pour la rentrée pour les collègues. Risque pour eux d’avoir à assumer face à leurs directions et aux IPR un échec (attendu ?) des formations ;

- soit investissement selon le plan porté par les chefs d’établissements, les IPR et le rectorat ; on est entré dans une phase politique d’incertitude qui réclame de la prudence à l’égard de la mise en place de la réforme. Les investissements impliqués sont lourds, et une fois faits, ils risquent de pousser en faveur de l’irréversibilité de la réforme.

- soit le choix d’investir ‘’a minima » pour permettre un retour en arrière si besoin.

Dans le dernier cas, la question de la dotation se posera de façon plus fine pour chaque site : quels matériels, quels aménagements de salles ? Par ex. pour les labos impliqués par la réforme :

- soit dans les locaux actuels des ateliers, avec maintien des machines

- soit dans des locaux spécifiques avec le danger de faire disparaître les machines.

 

La FSU, le SNES et les collègues maintiennent clairement l’option de ne pas se débarrasser des matériels et des machines actuelles (ce qui a déjà commencé sur plusieurs sites).

 

Attention aussi de ne pas arriver à une sorte de compromis, où les collègues s’arrangeront avec l’existant, tout en laissant se mettre en place la réforme : c’est peut-être ce qu’attendent les promoteurs de la réforme ! En plus, ne pas négliger que ce compromis mettra les collègues en porte-à-faux face aux inspecteurs qui les sanctionneront si les cours ne sont pas ‘’dans la ligne » !

 

En priorité, si le CR prend cette décision d’investir a minima en revenant sur des ‘’accords » passés avec le rectorat et les IPR-IG, nous souhaitons que le CR expose bien les griefs, et les motifs qui justifient son refus d’honorer certaines commandes en dotation : que le rectorat entende que c’est le caractère non-réaliste de sa réforme qui crée cet état de fait !

 

D’autant que dans l’académie, les IPR vont manifestement plus loin que la lettre du texte dans leur lecture du référentiel : même si ce n’est pas très clair, le référentiel ne rejette pas le recours à la mise en œuvre sur des machines. Les collègues de STI ne comprennent pas pourquoi les IPR interdisent avec insistance la mise en œuvre de matériels technologiques (machines-outils, moteurs..) ou de câblages (électrotechnique, automatismes, …) à des fins pédagogiques dans les spécialités.

L’entêtement des IPR sur la modélisation et la dotation en‘’mallettes pédagogiques » ultra formelles tient sans doute au vide total de la formation proposée aux profs pour la rentrée. Spécialement pour le tronc commun. Mallettes coûteuses (il y a un marché manifestement fortement investi par plusieurs sociétés !) et surtout standardisées : pédagogiquement elles renforcent l’idée d’un enseignement sans enseignants, devenus simples animateurs de séquences préétablies, et non plus concepteurs d’une séquence pédagogique construite…

Le CR au départ partait pour coordonner le plan d’investissements avec le rectorat et les chefs d’établissements. Et au départ les élus ne s’étaient pas saisis des dossiers, pris en charge techniquement par les services. Or, le CR découvre les problèmes de transparence, voire de véracité dans les dires des interlocuteurs.
Nous expliquons que dans l’EN, les intermédiaires entre profs et le monde extérieur permettent rarement une parole libre et non distordue ! Peu de bahuts ont associé les profs aux tournées de la Région pour inspecter les besoins en locaux, et quand certains étaient présents, la précipitation ne permettait pas de se faire entendre. Parfois les infos arrivent par voie indirecte.

 

Le CR, à ce stade, serait partant pour des contacts plus directs avec les équipes, premières intéressées par les mises en œuvres.

 

Des exemples sont pris d’équipements dotés par le passé et totalement délaissés par les profs car inadaptés aux besoins réels (par ex des PC à la mémoire vive insuffisante, voire obsolète, pour la modélisation et la simulation en construction).
D’autres exemples sont pris des injonctions actuelles des IPR sur les éléments matériels, qui semblent aller à l’encontre de l’existant (triphasé), voire du raisonnable. Il y a aussi des effets de mode, ou d’annonce, à la fois coûteux et pas forcément toujours cohérents, adaptés à la spécialité (imprimante 3D).

Sans parler de l’impact énorme sur les réseaux existants des bahuts de l’accroissement prévisible du nombre des postes informatiques : si on passe à de la modélisation d’expérience et de réalisations pour à peu près tout, on va avoir à mettre en œuvre un grand nombre de logiciels lourds et parfois en synergie (pluridisciplinarité oblige !). Cela va poser des pbs techniques forts : performance des réseaux, des machines.

Quelles analyses et quel bilan d’étape sur le dispositif ‘’formation » piloté par l’académie ? Et quel(s) public(s) pour cette nouvelle STI ?

La réforme a été conçue autour d’un axe fortement issu de la STI GMF où le travail sur des systèmes pluri-technologiques aux dimensions réduites justifie une interdisciplinarité et de tels équipements. Mais transposer cela tel quel, sans précaution à tous les autres champs techno industriels a-t-il pas du sens ? Question que ni l’IG ni les IPR ne semblent se poser ! Quid par ex des Structures métalliques ? Quid de l’Archi-construction ??? Cette dernière spécialité, ajoutée par raccroc pour intégrer les profs de Génie Civil, n’a pas de vraie place dans les référentiels. Ni non plus dans la fameuse ‘’formation » pour la rentrée. Les collègues sont écoeurés.

 

La mise en œuvre de la rentrée ne peut pas méconnaître le fiasco organisé des formations !!! En tout et pour tout, 12 jours de formation à l’utilisation de matériels pédagogiques ( c’est-à-dire à l’animation) et non à une mise à niveau technique – impossible d’ailleurs – pour enseigner dans les 4 spécialités.

 

Qui plus est, tout l’accent est mis sur le tronc commun – la seule chose qui semble intéresser les IPR (et la seule qui risque bien de demeurer de la STI à terme).
Il y avait d’ailleurs déjà eu un projet d’intégrer la techno comme simple ‘’spécialité » de lycée (sous la forme d’un gros gloubiboulga avec un peu tout un peu rien). On peut penser que si les élèves ne reviennent pas (comme on peut le craindre), le ministère en profitera pour prononcer la mort de la STI telle qu’on la défend et qu’il en reviendra à cette idée-là… ou bien carrément à rien du tout. Il ne faut pas oublier que depuis le passage au Bac Pro 3 ans, d’aucuns considèrent inutile la voie techno !

 

Ce qu’il advient d’ores et déjà aux jeunes des filières professionnelles qui ne peuvent pas se suivre dans les nouveaux Bacs pros, a pourtant de quoi donner un avertissement : combien d’abandons en cours de cursus en Bac pro 3ans ? Et en l’absence de nombreux CAP que nous demandions pour compléter le dispositif, quelle réussite pour la voie de l’apprentissage, pourtant vantée par certains ?

 

Le virage qu’on veut faire prendre aux STI procède d’une erreur d’analyse sur toute la ligne depuis le début quant aux causes de la ‘’fuite » des élèves de STI. Les causes sont plus profondes que le rejet par les jeunes de la multiplicité des (17) Bacs STI. Et en plus, la première cause a été le refus de mener la rénovation des programmes quand cela allait encore bien (il y a 10 ans !!)

 

Nos analyses font échos avec celles du CR. Même si le CR est sensible à l’idée de ne pas orienter trop précocement vers un parcours scolaire trop ‘’fermé » –argument instrumentalisé souvent par les promoteurs de la réforme qui brûlent de voir la STI alignée sur un parcours de S.

 

Car le fait est que bien des élèves ont besoin de ce passage par la mise en pratique pour retrouver le chemin de la conceptualisation. Mais à terme, ces élèves passés par la STI et le BTS, deviennent de bons professionnels, des travailleurs capables de penser la mise en œuvre, et non pas seulement d’exécuter. Le calcul, la conception et la formalisation de la mise en œuvre sont les traits spécifiques de ces voies techno, à la fois par rapport aux S et par rapport aux filières Pro.
Vider les élèves actuels de STI pour y mettre des élèves à profil S (ceux qui ne sont pas ‘’de vrais scientifiques ») et ensuite faire glisser la formation de STI pour un public venant de pro actuellement est une double erreur : pas sûr que les S seront preneurs, et surtout pas sûr du tout que les formations bacs Pro amèneront au niveau Bac + 2 que le gouvernement cherche à atteindre sans se fouler à moindre coût !! Pas de chance pour tous les jeunes que ce projet laisserait sur le côté : quid des jeunes qui auraient trouvé du profit aux STI actuelles et qui ne se retrouveront pas dans les nouvelles STI ?

Quel impact à terme de la réforme sur le niveau de qualification dans le secteur industriel ? Et quel impact sur le tissu industriel breton ?

Pour nous et pour les professionnels qui ont des contacts avec nos formations de Bac ou de post-Bac, il est d’ores et déjà regardé comme catastrophique ! La thèse des ultra libéraux autour de Sarkozy qui font leurs choux gras de la désindustrialisation irréversible de l’Europe et de la France est bête ! En attendant, les professionnels ont fait savoir (CPC et CSE) qu’ils craignaient les effets sur le potentiel industriel.

Le CR se dit très intéressé par ces témoignages. S’étonne du silence globalement des branches sur la question en Bretagne. Problème d’information parfois, et aussi de formulation des enjeux (pas tjs très perceptibles). Il y a bien entendu des contacts noués autour des formations (Bacs et post-Bacs), et là, les entrepreneurs sont sensibles à nos remarques, mais il y en a bcp qui ne connaissent pas bien les formations et les parcours des jeunes qu’ils voient arriver avec des BTS (sont-ils passés par le pro ou par la voie techno ?)

 

Réunir les professionnels et les profs de STI autour d’une table ronde pourrait avoir du sens. La région de par ses compétences est en relation étroite avec les entreprises. La Région Île de France a prévu d’organiser des États Généraux autour du STI2D et ainsi réunir les acteurs de cette réforme : une organisation similaire pourrait se tenir en Bretagne. Ce serait une façon aussi de faire savoir, par un geste fort politiquement, que le rectorat et les institutionnels de l’EN se sont déconsidérés aux yeux de la Région sur ce dossier.

 


Précisions de Marie Pierre Rouger

 

Précisions et ajustements suite au compte-rendu de la
rencontre Conseil Régional FSU Bretagne et SNES

 

Eléments de contexte :

Cette rencontre s’est située dans le souci permanent d’écoute et de dialogue que la Région
entretient avec l’ensemble des acteurs de l’éducation et en particulier avec les
responsables d’établissements et avec les enseignants.
A cet endroit, il importe de préciser quelques ambiguïtés ou erreurs d’interprétation
émanant du compte-rendu de la réunion établi par la FSU et le SNES.

- 1- Tout d’abord, aucun accord n’a été passé entre la région, le rectorat et les IPRIG.
Il est évident que des relations de travail existent entre les institutions mais
elles se déroulent dans le cadre d’un cadre donné par les élu-es. Je rappelle ce qui
guide la position de la région sur la question des réformes en cours est exprimé
dans le document budgétaire voté en session.
Budget 2011 Mission Lycées. Extraits : « La programmation de l’investissement est
impactée par les vagues successives de réforme dans les lycées. Après la réforme du
baccalauréat professionnel, l’Académie mettra en oeuvre la réforme de la voie
technologique. Les lycées relevant de l’Education nationale et agricoles sont aussi
concernés par la mise en oeuvre des baccalauréats sanitaire et social en trois ans à la
rentrée 2011.
Ces réformes nous sont imposées et l’Etat n’a fait aucune étude d’impact de leurs
conséquences en terme de locaux et d’équipements. Elles posent d’une part la
problématique de l’installation de nouveaux espaces et d’autre part de locaux avec des
équipements, parfois récemment achetés, qui n’ont plus d’utilité).
Même si la Région déplore les modes d’élaboration de ces réformes qui font peu de cas de
la réalité de la décentralisation, elle les accompagnera pour ne pas léser les élèves. En
revanche, elle n’y consacrera pas de moyens budgétaires complémentaires.

- 2- Nous avons le souci d’entretenir des relations constructives avec les acteurs et
responsables de l’éducation nationale. Notre position en tant qu’élu-es vis à vis des
choix nationaux n’a pas à influencer les relations de travail propres à chaque
institution. Nous tenons à rester dans le respect des personnes et des opinions tout
en gardant notre libre arbitre. Pour cette raison, je ne me retrouve pas dans la
conclusion du compte-rendu mentionnant que : « le rectorat et les institutionnels
de l’EN se sont déconsidérés aux yeux de la région sur ce dossier ».

- Afin de rester dans la préoccupation qui nous anime, à savoir la réduction des
inégalités et les chances à donner à chaque jeune de trouver sa voie et de
s’épanouir, je vous rappelle l’approche globale que nous avons sur la question et ce
que, à ce jour, nous proposons…
2
Cette réforme est largement imparfaite mais elle s’inspire sur le papier de propositions
faites par « l’école des pédagogues » qui vise à placer le lycéen au centre de l’organisation
pédagogique du lycée. On peut donc effectivement considérer qu’il existe des avancées
théoriques intéressantes mais insuffisantes et que surtout cette réforme souffre d’un
problème de périmètre et de méthode avec un risque avéré : un excès de
« modularisation ». Celle-ci condamne la spécialisation progressive qui accompagne l’élève
vers une réelle spécialisation au niveau supérieur. Il ne faut donc pas confondre le partage
d’une culture commune avec l’impossibilité de se spécialiser.
Autre challenge de cette réforme : placer le lycéen au centre de la pédagogie et le
prendre pour ce qu’il est, un être responsable. C’est une bonne évolution, mais attention :
à condition qu’il soit accompagné car les parcours sociaux, culturels et scolaires sont
inégaux et fortement différenciés. D’où l’importance de la question de la formation des
enseignants et des équipes d’encadrement. Or, les réponses ne sont pas à la hauteur de
l’enjeu. Le risque est donc bien là, en l’état de la mise en oeuvre de la réforme,
d’aggraver les inégalités.
Difficile également de mobiliser les enseignants sur une nouvelle approche pédagogique,
plus exigeante et plus collective, quand le couperet de la suppression de postes plane audessus
de leur tête. La question des moyens humains et d’une formation nécessaire et
sérieuse des enseignants est légitimement posée par nombre d’acteurs de l’éducation.
Finalement, cette réforme des STI est inachevée et la situation est difficile à gérer puisque
nos craintes se confirment. En n’allant pas assez loin dans ses réorientations, campant
dans un périmètre trop restreint et en ne se donnant pas les moyens de l’ambition
affichée, cette réforme stimule les conservatismes et suscite parfois des postures
caricaturales.

- La préoccupation de la région reste bien de permettre à chaque jeune de trouver
les moyens de son insertion sociale et professionnelle à son rythme. La question
pour la région n’est pas « d’échapper » à une mauvaise réforme ou d’en être
complice, mais de préparer la prochaine rentrée scolaire, pour créer les conditions
favorables à la scolarité et à la réussite des élèves.
C’est pour cette raison que les services de la région ont établi un diagnostic de la situation
de chaque établissement en lien avec le rectorat.
Tout en rappelant qu’elle n’a pas été associée au contenu des réformes en elles-mêmes
malgré leur impact budgétaire pour la collectivité, la région Bretagne inscrit ses choix dans
le cadre de ses priorités éducatives. Dans les aménagements et équipements prévus à la
rentrée 2011, rien d’irréversible ne sera engagé (en particulier pour ne pas compromettre
l’issue éventuelle du moratoire demandé par l’ARF), à savoir garder la proximité des
ateliers et les conditions d’utilisation des machines. Ceci d’autant plus que le risque de
l’échec et de l’aggravation des inégalités est bien réel ainsi que je l’ai déjà rappelé, le
gouvernement n’ayant pas créé les conditions de la réussite.

Marie-Pierre Rouger

Vice presidente